jeudi 4 janvier 2007

Qu'est-ce qui ronge Lou Schibronsky? 4 Janvier 2007

Tenir un journal, écrire sa vie, c'est vivre deux fois. Or la vie imaginée de celui qui écrit est bien meilleure. Elle est sous son contrôle. L'auteur la crée, lui donne forme, selon ses désirs.
Sa vraie vie est amère, courte, ennuyeuse, soumises aux nécessités et aux routines que l'auteur préfère effacer de la version scriptée, comme dans les films où la vie quotidienne est presque toujours représentée sans temps morts.

Écrire est son excuse pour exister. C'est aussi le soutien d'une mauvaise mémoire. J'écris pour me souvenir des choses et des événements, pour régler mes comptes avec eux, pour comprendre ce qui s'est passé, ce qui m'est arrivé et pourquoi les choses se sont passées ainsi.

Elle se sert de son écriture comme arme de protection contre l'ennui. Comme une arme de séduction aussi.

Un philosophe déclarait lundi dernier à la radio qu'elle pensait que peu de gens ont une véritable vie intérieure. Je ne suis pas sûre de ce qui compte, selon elle, comme "vie intérieure".
Une vie parallèle structurée qui accompagne notre vie ordinaire? Est-elle faite de pensées, de rêves, de projets, de fantasmes, d'actions aussi?

Quant à Lou Schibronsky, elle se sent plutôt embarrassée, affublée d'une vie intérieure intempestive qui parasite sa vie quotidienne où elle essaye tout le temps de faire irruption, d'émerger et d'attirer l'attention. Cette vie "intérieure" est toujours une critique de sa vie "extérieure" la place de laquelle elle estime lui revenir en droit. Elle voudrait être publique et non rester une vie privée. Mais n'est il pas dans la nature même d'une "vie intérieure" de rester privée?

Quand Lou Schibronsky n'écrit pas elle se sent honteuse comme si elle n'honorait pas une promesse, comme si elle était en rupture de contrat. Au bout d'un temps très court, elle doute de son engagement à long terme dans son projet d'écriture. Écrire , c'est sa bouée de sauvetage. C'est ce qui la sauve d'une vie vouée à l'échec, à l'ennui et à la banalité.
C'est pour cela qu'elle écrit: pour laisser une trace, être remarquée, se sentir exister.

Pourtant si un psychologue lui demandait pourquoi écrire est si important pour elle, Lou Schibronsky ne saurait que répondre. C'est comme une évidence pour elle. C'est comme si on lui demandait: "Pourquoi est-il si important pour vous que 2 + 2 soit égal à 4?"

"Mais, mais...", balbutierait-elle, après un long moment de réflexion, "je suis une créature qui écrit et quand je ne réalise pas cette vocation, je me sens comme une imposteur, une fraudeuse, une menteuse, un tigre de papier. "

"Je veux écrire de façon à laisser la musique des mots prendre forme, tomber par hasard sur cette image enchanteresse ou formuler sans préméditation cette nouvelle combinaison de pensées: le filon d'or fin que l'on découvre quand on s'y attendait le moins. Parfois, j'écris juste pour le plaisir, pour la joie d'une trouvaille inespérée. J'aime l'improvisation. En musique aussi."

Et écrire à propos d'une vieille amitié caduque, est-ce une façon de lâcher prise ou bien justement une manière de s'y accrocher encore?

Se souvenir, c'est d'abord oublier, et puis se remettre en mémoire ce qu'on avait oublié, le recréer, lui redonner vie. Pour lâcher prise sur une amitié passé, il faudrait donc s'y accrocher sous une autre forme: en faire de la fiction, de sorte que la véritable amitié historique puisse s'estomper, tandis que l'histoire qu'on a recréer puisse rester avec vous, comme une petite histoire bien faite avec un début, un milieu et une fin, et toutes ses parties bien arrondies.

Lâcher prise, pour une créature qui écrit, comme Lou Schibronsky, c'est se créer une fin qui la laisse heureuse de continuer à vivre ou bien qui lui permet d'y survivre, tout simplement.


Voici maintenant la réponse d'un autre créature écrivante à la même question :
Pourquoi écris-tu? Pourquoi est-ce si important?

Tonio Adrénalin :

"On écrit d'abord parce qu'un jour on en a envie, et cette envie, comme une envie de chocolat chez un enfant, elle est irrépressible. C'est inutile de lutter, l'envie revient toujours et on fini par y céder. On écrit par nécessité, parce qu'on ne sait pas faire autrement. "

"On écrit par jeu, par plaisir, par surprise pour retrouver l'étonnement, l'émerveillement, pour se surprendre, pour se concentrer, pour se détendre, pour s'éloigner du quotidien, mais pour se rapprocher de la vie. Straight to the bone of life. "

"On écrit pour combattre la solitude et se prouver qu'on existe : on laisse ainsi une trace matérielle qui dit: "oui, il y avait bien un être humain, là. fait de rêves, d'espoirs, de souffrances et de joies.
Quand on se lit on se rappelle à l'ordre: voilà celui que tu étais. Es-tu devenu celui dont tu rêvais? Qu'as-tu fait de tous ces rêves? L'écriture se fait boudoir, refuge, salon privé que l'on se réserve, et où n'entre pas n'importe qui: un endroit où l'on est autre tout en étant profondément soi-même."

"Écrire parce qu'on ne sait pas peindre ou sculpter. "

"Écrire pour se forger un nom, au delà de celui dont on hérite. (C'est, parait-il, un ancienne tradition juive. )"

"Et que sais-je encore?"

"à toi de continuer."

Petite remarque du coach :

Adrénalin emploie beaucoup d'impersonnels et d'infinitifs. Plutôt que de dire: "J'écris parce que ...", il dit: "On écrit" ou "Écrire". C'est significatif.

Sous couvert de parler en général ou d'universaliser son cas, Adrénaline ne prend pas entièrement en charge son besoin d'écriture. Il attend du monde que les autres remarquent et prennent en compte, si pas en charge, la satisfaction de ce besoin.

Il ne dit jamais: "Je veux", "Je peux" ou " Je vais" par rapport à son désir d'écrire.
Il attend et espère que les conditions favorables à la réalisation de ce désir, pourtant très profond, vont être rassemblées pour lui.
Sa motivation reste extérieur de lui, dépend d'autrui.
Quand lirons nous, dès lors, les oeuvres complètes de Tonio Adrénalin ?

2 commentaires:

Unknown a dit…

Bonjour Lucie,

C'est avec plaisir que j'ai pris connaissance de ton blog. Moi aussi j'aime écrire, et je te répondrai de temps en temps. On peut aussi écrire sur la musique.

Richard Brandon
Le guitariste de La Haye {Den Haag)
qui te souhaite une bonne année.

béatrice bertieaux a dit…

Bonjour,

Je viens de faire connaissance avec ton blog via celui de Phil (Philip Hermann, mon beau-frère) et j'en suis ravie. C'est avec grand plaisir que je viendrai te faire des petits coucous de temps en temps.
J'adore écrire aussi, voici le lien vers mon bloc si ça te dit.
http://laboheme.skynetblogs.be/

A très bientôt via les comments,
La Bohème