vendredi 9 juillet 2010

Dialogism fête ses dix ans !

Dialogism

Ateliers d’été les 28 et 29 juillet 2010 à Dochamps
+ Verre de l’amitié : dix ans de
consultance et de coaching socratique.

Une journée complète de dialogue, avec en invitée Suzie Servotte, coach spirituelle de Bruxelles, se tiendra le mercredi 28 juillet de 10 à 18 heures à Dochamps.

Le thème en sera : « La spiritualité, qu’est-ce que c’est que ça ? »*

De plus, le jeudi 29 juillet, une soirée de dialogue, dont le thème reste ouvert et sera choisi par les participants le soir même, se tiendra à partir de 19 heures, jusque vers 22 heures.

Venez faire l’expérience de la pensée en commun, avec l’effet d’émulation de groupe et l’esprit de recherche et d’aventure, sous la direction d’une animatrice formée au dialogue socratique et à l’analyse conceptuelle : Lucie Antoniol, docteur en philosophie de l’université de Stirling (Ecosse), collaboratrice à l’université de Liège.

Adresse du jour : chez Dialogism, rue de la gare 9 à 6960 Dochamps.

Participation aux frais d’organisation : 3 € par personne. Pour le repas de midi du mercredi, nous mettrons en commun nos tartines ou salades, quiches, galettes, crêpes, …, dans un repas d’auberge espagnole. Les tisanes, thés et le café sont offerts par Dialogism, ainsi que le verre de l’amitié, vers 18 h. le mercredi 28 et vers 22 h. le jeudi 29 juillet.

Inscriptions: 084 45 77 53 GSM : 0495 40 69 94 Email : lucie.antoniol@gmail.com



*Ceci n'est évidemment pas une veillée religieuse, la conversation n’est ni confessionnelle ni politique et elle ne promeut aucune philosophie en particulier, si ce n'est celle du dialogue entre les personnes de tout bord.

"Lul" "Kut" et autres mots de trois lettres.

Les Belges sont-ils cons ou bites ?

- Ca dépend de leur langue maternelle.

Le néerlandais est une langue merveilleuse pour les femmes. Si un bourgeois de la périphérie de Bruxelles vous fait des misères, vous pouvez dire ceci de lui : « Ah, alweer die lul van Aalst ! ». Et au lieu de le traiter de con, ce qui est une insulte au vagin, vous pouvez ainsi le traiter de bite teutonne. En français vous seriez tenté de dire un peu trop vite : « Oh, encore ce con de Alost ! » C’est tout de même dommage, vous ne trouvez pas ?

Ne voyez pas les choses ou plutôt les mots d’une manière trop partiale, pourtant. Le fâcheux de Alost ou de Delft peut très bien vous répondre : « Kutwijf ! Muts !» et en disant cela, il ne rendra pas hommage au fantastique organne dont nous partageons toutes avec Elastigirl les pouvoirs incroyables. Non, quand il vous traite de « bonnet », il prétend vous insulter, le jaloux !

« Ardenne » est un mot féminin et pourtant le paysage lui est masculin, tout comme l’Ardèche a un paysage masculin et le Cantal, un paysage féminin.

André est très enthousiaste à l’idée d’emmener ses amis R. et M. chez sa sœur Julia en Ardenne. Pourtant R. proteste que les collines, surtout si elles sont couvertes d’épicéa, lui donnent le bourdon. C’est qu’il s’est fait violer par un bûcheron lors d’une de ses fugues en forêt, alors qu’il était adolescent. Mais André est tellement enthousiaste par rapport à son projet qu’il n’a soit pas entendu, soit pas enregistré les mots, les aveux et le refus poli de son ami R.

- « C’est l’enthousiasme qui te rend sourd ou bien c’est autre chose ? » lui demande sa sœur Julia. « Et puis s’il doit faire de la cuisine indienne avec toi, ne devrais-tu pas demander l’avis de ton hôte et beauf? ».

Julia et son mari ne sont pas un couple ordinaire. Ils sont tous deux ce qu'on pourrait appeler des bisexuels non pratiquants. En fait, ils ont mis le sexe temporairement entre parenthèses, afin de mieux s’occuper de reproduction. Puisqu’ils ont fait ensemble deux beaux enfants, ils ont maintenant le devoir de les éduquer et le leur offrir des études. Ils sont mariés, parents de jeunes enfants, et ne ressentent plus le besoin ni ne trouvent plus l’énergie d’avoir une « vie sexuelle débridée». C'est qu'ils ont déjà une vie professionnelle et une vie artistique qui leur prend deux ou trois fois trop d’énergie, à côté de la vie familiale : si on veut aller loin, il faut ménager sa monture. C’est bien connu.

Ce que je veux dire, c’est que de toute façon, la spécification d’une identité sexuelle est une préoccupation narcissique et adolescente. S’il m’a jamais intéressé, cet art de mettre les gens dans des petites catégories bien nettes ne m’intéresse plus du tout. Les hétéros, les homos, les bis, sans oublier les trans, les pédos et les solos ( ou les hubo's d'après la chaine de magasins DIY): tous des branleurs et des branleuses. Qu’est-ce que j’en ai à foutre de la manière dont autrui gère (bien ou mal) ses pulsions sexuelles ? Y en a-t-il vraiment de quoi en faire une thèse, alors que la catastrophe écologique nous pend sous le nez ? Et que la crise financière qui vient seulement de commencer, finira par nous faire acheter notre pain quotidien à quatre mille euro ?

Ce dont nous avons besoin, c’est d’idées réellement créatives pour nous en sortir. Une relance keynésienne de la consommation, ça ne va pas marcher. La fuite en avant, sauver la consommation par plus de consommation. Faire confiance à l’état pour encore plus d’interventions et de régulations, c’est faire comme les lemmings qui sautent tous dans le vide, à ce qu’il paraît, les uns à la suite des autres. Et qui est le premier foutu lemmings qui va donner le signal aux autres de sauter ?

Si nos banques prêtaient naguére à tout qui voulait, c’était pour se constituer une armée gigantesque de serfs salariés endettés à vie, une force de travail abrutie par son confort de consommateur. Achetez votre « bonheur » tout de suite et venez ramer dans nos galères pour le reste de vos jours. L’état encourage les banques a pourvoir le citoyen modèle de tous les conforts désirables, d’une maison au dessus de ses moyens (et pourtant en deçà des ses rêves) et de la jouissance immédiate tous azimuts. Car un état gère plus facilement un citoyen à demi endormi et trop content de lui faire cadeau du trop plein de ses responsabilités et des sa liberté. Peu lui importe pourvu qu’il ait l’ivresse. La recette est vieille comme Rome, il suffit de la remettre au goût du jour. Au lieu de lui offrir du pain et des jeux, vous lui offrez des hamburgers et des frites qu’il mangera en « glandant » devant des programmes TV « lullig » ( super con en flamand, c’est super bite ou super gland, je vous le rappelle.)

La TV n’est elle pas notre poubelle cathartique et notre anxiolytique à tous ? Elle remplace le foyer, comme point focal, dans presque touts les maisons de Belgique. Chez les Flamands comme chez les Wallons. « Allez, va, nous sommes encore unis dans la « biterie » ou dans la « glandeur ». C’est comment qu’on dit encore, Jeff ? Lulligheid ?

A ma tante flamande, mourante d’un cancer du poumon, après une vie d’alcoolisme bien caché et de tabagisme en public, je demandai un beau matin : « Et comment vous sentez vous, aujourd’hui? » - « Lullig » fut la réponse de cette dame distinguée qu’on n’entendait normalement jamais dire de gros mots en public.

Tante Anke était tout sauf une femme vulgaire. Elle avait travaillé toute sa carrière comme médecin généraliste. Si les cordonniers sont les plus mal chaussé, les médecins ne prennent pas assez bien soin de leur santé. Demandez donc au vôtre, de médecin, si elle (ou il) mange, boit ou fume trop. Mais revenons à nos émois linguistiques. Je m’étonnais donc qu’une femme malade puisse se sentir « bite-ment » mal plutôt que « conne-ment » mal. Elle se sentait toute …bête de devoir, elle aussi, monnayer d’un cancer, une vie de fumeuse. Pourtant fumer, je vous demande un peu, fumer des cigarettes Camel sans filtre en l’occurrence, est-ce con ou est-ce bite ? Je ne vous le fait pas dire.

Anne, journaliste soufrant d’un blocage à l’écriture et à la publication, coachée par Dialogism.

Dochamps, le 16 décembre 2008.

jeudi 1 juillet 2010

Une contribution au beau projet "Baraques à Vaches"

Une certaine vache de baraque.

Par Anna Mastel.

- «Tu connais celle des deux jeunes bergers dont l’un vient finalement de coucher avec une femme ? »

- « … »

- « L’autre lui demande avec insistance : « Alors, c’était comment ? » Et le premier répond : « Eh, bien, je trouve qu’il y manquait quelque chose…je ne sais pas trop quoi. ».

- « Ah ! ah ! ah ! Elle te manquait, la queue ! Ah ah ! ah ! »

Phil raconte toujours une bonne demi douzaine de blagues après avoir couché. Une douzaine s’il a vraiment jouit de sa partenaire. Mais quand il emmène Marie-Chantal, il n’en raconte qu’une seule. Phil, c’est notre étalon du village. Il hésite entre poursuivre ses études de vétérinaire et faire la dentisterie. En tout cas, il finira des études médicales.

- « Pourquoi qui fait pas la médecine et puis la gynécologie ? Il en connaît déjà un bout par la pratique », dit Françoise amèrement. « De toute façon, il m’aura jamais comme patiente… Il m’aura jamais tout court, je veux dire. »

Françoise, « la framboise », c’est la garçonne du village. La rumeur dit qu’elle est gouine, mais moi, je sais qu’elle mange volontiers à tous les râteliers. Je sais tout, car j’ai tout vu. Moi, la baraque à vache, j’accueille toutes les vaches du village et leurs taureaux, j’ai même vu naître des veaux… Même ceux dont le village n’a jamais connu l’existence…Mais ça, c’est une autre histoire. Trop triste.

Françoise, la framboise, s’est promis de sauver la Marie-Chantal des pattes de Philippe. Faut dire qu’il lui en fait voir de toutes les couleurs, quand il l’emmène ici et la couche dans la paille.

- « Ah ! Les hommes préhistoriques ! Oh ! Darwin avait vu juste que nous descendons des singes», s’amuse-t-il a dire tout en besognant la Chantal qui gémit à quatre pattes.

- « C’est encore la position que je préfère », ajoute-t-il, « Et toi ma jolie jument, tu n’as rien a dire contre une belle queue profondément enfoncée dans ton… ». Il réfléchit un instant sur le choix des mots. Qu’est-ce qui va le faire jouir le plus, cette fois-ci ?

Or cette fois-ci, pas comme les autres mille et unes fois, Philippe, l’étalon, n’aura pas le temps d’élire une parole humiliante dans son vocabulaire ordurier. Tandis que Chantal mange en silence, comme d’habitude, ses cornets de glace à l’avanie, comme le dit si joliment Erno, le poète du village, la Framboise, du toit, balance un grand seau d’eau froide sur le dos et les fesses dénudées du bitu. De quoi rafraîchir ses ardeurs paysannes. Ensuite, Françoise disparaît dans le petit bois d’épicéas voisin.

Philippe sait qu’il ne sera jamais assez rapide pour attraper le plaisantin qui lui a fait ce mauvais tour. « Aaarg, le jour où je te mets la main dessus, putain de bordel de merde ! » Phil hurle sa frustration. Le mâle se reculotte et s’en va, laissant Chantal littéralement sur la paille et toute mouillée.

Depuis toujours, de puis l’enfance, Françoise est en rage contre les « amoureux » qui couchent dans la baraque à vache du père Bénédict.

Bénédict, le patriarche, c’est son grand-père. C’est lui qui mettait chaque année discrètement quelques petits ballots de paille dans le coin le plus sombre de la baraque. On se demanderait bien pourquoi. Est-ce qu’il venait reluquer les jeunes couples en catimini à travers mes planches disjointes ? Ou les trous dans mes vielles tôles ondulées ? Seule, Françoise sait que le Papy Bénédict n’est pas un vilain voyeur.

Elle sait de quoi il est capable… depuis ce jour, ce soir d’automne, où il guida la main d’une fillette de dix ans vers sa braguette ouverte… et ce n’était pas pour la refermer. Mais ça aussi, c’est une autre histoire, aux relents de velours sale de son pantalon côtelé qui sentait l’urine à plein nez. Trop triste aussi.Je préfère, moi, la vache de baraque, raconter les histoires où il y a de l’amour, celles qui finissent bien…

J’ai laissé la Marie-Chantal sur la paille. Elle a deux surnoms dans le village : les femmes l’appellent Marie-couche-toi-là, évidemment, parce qu’elle ne sait dire non à aucun garçon. Les hommes l’appellent le steak du village, le sac à foutre, ou parfois, notre pain quotidien. Mais ça, c’est plutôt ceux qui vivent du côté de l’église.

Alors que Phil est sorti en jurant, ne trouvant nulle part l’auteur de la blague humide, il s’en est retourné seul au café « Le miroir » pour s’admirer un coup dans ceux des toilettes et reprendre une bière.

Chantal abasourdie reste couchée dans la paille en se demandant comment elle en est arrivée là, comment elle s’est bâtie cette réputation de fille perdue.

Françoise, sa cousine germaine, s’approche en douceur et vient lui parler gentiment.

- «Désolée pour l’eau froide : c’est le seul moyen que j’ai trouvé pour faire déguerpir l’autre glandeur, ton branleur de Phil-la-queue-en-feu… » ricane-t-elle. « C’est ça, ma façon de jouer au pompier ! »

Chantal a l’air d’en rire, presque, ou bien se racle-t-elle seulement la gorge ?

- « J’ai toujours envié ton audace, tout ce que tu oses faire, tout ce qui t’arrive. » dit-elle tristement. « Tu sais, j’avais toujours l’impression que c’était toi, l’heureuse élue.»

- « Moi ? L’élue de qui ? L’élue de quoi ? »

- « Et bien Papy Bénédict, par exemple, il préférait toujours jouer avec toi ! Tu es son petit garçon manqué… »

- « Je me serais bien passée de ces jeux-là, tu sais », dit Françoise la gorge serrée, la voix cassée. « Ce salaud m’a volé mon enfance et il a presque fait que je suis….. morte à partir de la taille jusqu’aux pieds. » Françoise a les boules et des larmes de rage lui montent aux yeux. Elle prend une respiration profonde.

- « Moi, il me mes faut tous, les garçons, parce qu’il y en a un, notre grand-père bien aimé, patriarche respecté de tous dans le village, qui n’a pas voulu de moi et qui en a choisi une autre… » Marie-Chantal devient aussi ironique que sa cousine.

- « Et quelle autre ! Celle qui ressemble le plus à un garçon… Tu crois qu’il s’en est pris à nos cousins aussi ? »

- « Je ne sais pas. Ca, ils n’en parlent jamais et sûrement pas quand ils baisent. Mais il y en a bien deux ou trois qu’on dirait qu’ils ont quelque chose à prouver ou bien à se prouver dans la façon dont ils vous labourent… le vagin. On voit bien qu’ils ont pas encore été initiés… Qu’ils connaissent pas le bouton de rose, le déclencheur du plaisir… le clitoris. » Chantal soupire.

- Françoise : « Y en a qui te baisent avec la rage, les dents serrées. Quand c’est qu’ils vont découvrir le continent de l’amour ? Ou réinventer la roue de la tendresse ? »

Chantal ne dit rien, mais des larmes lui inondent le visage. Elle les laisse couler, calmement. « Viens-là, Marie, ne sois pas triste, tu es bonne. », dit Françoise en lui couvrant les joues de baisers et en lui buvant les larmes du bout des lèvres. « Viens là que je te bouffe la framboise… ! » Elles rient toutes les deux, maintenant et se roulent dans la paille.

Baraque à vache, je suis. Et mes vaches, toutes mes vaches, à quatre pattes ou à deux pieds, elles connaissent le bonheur… et ma tendresse les habitent. Et chez moi, elles apprennent aussi le goût du pardon, de la résilience et de l’espoir. Parce que moi, vache de baraque, j’aime la vie.

Leusden, le 12 juin 2010.