vendredi 9 juillet 2010

"Lul" "Kut" et autres mots de trois lettres.

Les Belges sont-ils cons ou bites ?

- Ca dépend de leur langue maternelle.

Le néerlandais est une langue merveilleuse pour les femmes. Si un bourgeois de la périphérie de Bruxelles vous fait des misères, vous pouvez dire ceci de lui : « Ah, alweer die lul van Aalst ! ». Et au lieu de le traiter de con, ce qui est une insulte au vagin, vous pouvez ainsi le traiter de bite teutonne. En français vous seriez tenté de dire un peu trop vite : « Oh, encore ce con de Alost ! » C’est tout de même dommage, vous ne trouvez pas ?

Ne voyez pas les choses ou plutôt les mots d’une manière trop partiale, pourtant. Le fâcheux de Alost ou de Delft peut très bien vous répondre : « Kutwijf ! Muts !» et en disant cela, il ne rendra pas hommage au fantastique organne dont nous partageons toutes avec Elastigirl les pouvoirs incroyables. Non, quand il vous traite de « bonnet », il prétend vous insulter, le jaloux !

« Ardenne » est un mot féminin et pourtant le paysage lui est masculin, tout comme l’Ardèche a un paysage masculin et le Cantal, un paysage féminin.

André est très enthousiaste à l’idée d’emmener ses amis R. et M. chez sa sœur Julia en Ardenne. Pourtant R. proteste que les collines, surtout si elles sont couvertes d’épicéa, lui donnent le bourdon. C’est qu’il s’est fait violer par un bûcheron lors d’une de ses fugues en forêt, alors qu’il était adolescent. Mais André est tellement enthousiaste par rapport à son projet qu’il n’a soit pas entendu, soit pas enregistré les mots, les aveux et le refus poli de son ami R.

- « C’est l’enthousiasme qui te rend sourd ou bien c’est autre chose ? » lui demande sa sœur Julia. « Et puis s’il doit faire de la cuisine indienne avec toi, ne devrais-tu pas demander l’avis de ton hôte et beauf? ».

Julia et son mari ne sont pas un couple ordinaire. Ils sont tous deux ce qu'on pourrait appeler des bisexuels non pratiquants. En fait, ils ont mis le sexe temporairement entre parenthèses, afin de mieux s’occuper de reproduction. Puisqu’ils ont fait ensemble deux beaux enfants, ils ont maintenant le devoir de les éduquer et le leur offrir des études. Ils sont mariés, parents de jeunes enfants, et ne ressentent plus le besoin ni ne trouvent plus l’énergie d’avoir une « vie sexuelle débridée». C'est qu'ils ont déjà une vie professionnelle et une vie artistique qui leur prend deux ou trois fois trop d’énergie, à côté de la vie familiale : si on veut aller loin, il faut ménager sa monture. C’est bien connu.

Ce que je veux dire, c’est que de toute façon, la spécification d’une identité sexuelle est une préoccupation narcissique et adolescente. S’il m’a jamais intéressé, cet art de mettre les gens dans des petites catégories bien nettes ne m’intéresse plus du tout. Les hétéros, les homos, les bis, sans oublier les trans, les pédos et les solos ( ou les hubo's d'après la chaine de magasins DIY): tous des branleurs et des branleuses. Qu’est-ce que j’en ai à foutre de la manière dont autrui gère (bien ou mal) ses pulsions sexuelles ? Y en a-t-il vraiment de quoi en faire une thèse, alors que la catastrophe écologique nous pend sous le nez ? Et que la crise financière qui vient seulement de commencer, finira par nous faire acheter notre pain quotidien à quatre mille euro ?

Ce dont nous avons besoin, c’est d’idées réellement créatives pour nous en sortir. Une relance keynésienne de la consommation, ça ne va pas marcher. La fuite en avant, sauver la consommation par plus de consommation. Faire confiance à l’état pour encore plus d’interventions et de régulations, c’est faire comme les lemmings qui sautent tous dans le vide, à ce qu’il paraît, les uns à la suite des autres. Et qui est le premier foutu lemmings qui va donner le signal aux autres de sauter ?

Si nos banques prêtaient naguére à tout qui voulait, c’était pour se constituer une armée gigantesque de serfs salariés endettés à vie, une force de travail abrutie par son confort de consommateur. Achetez votre « bonheur » tout de suite et venez ramer dans nos galères pour le reste de vos jours. L’état encourage les banques a pourvoir le citoyen modèle de tous les conforts désirables, d’une maison au dessus de ses moyens (et pourtant en deçà des ses rêves) et de la jouissance immédiate tous azimuts. Car un état gère plus facilement un citoyen à demi endormi et trop content de lui faire cadeau du trop plein de ses responsabilités et des sa liberté. Peu lui importe pourvu qu’il ait l’ivresse. La recette est vieille comme Rome, il suffit de la remettre au goût du jour. Au lieu de lui offrir du pain et des jeux, vous lui offrez des hamburgers et des frites qu’il mangera en « glandant » devant des programmes TV « lullig » ( super con en flamand, c’est super bite ou super gland, je vous le rappelle.)

La TV n’est elle pas notre poubelle cathartique et notre anxiolytique à tous ? Elle remplace le foyer, comme point focal, dans presque touts les maisons de Belgique. Chez les Flamands comme chez les Wallons. « Allez, va, nous sommes encore unis dans la « biterie » ou dans la « glandeur ». C’est comment qu’on dit encore, Jeff ? Lulligheid ?

A ma tante flamande, mourante d’un cancer du poumon, après une vie d’alcoolisme bien caché et de tabagisme en public, je demandai un beau matin : « Et comment vous sentez vous, aujourd’hui? » - « Lullig » fut la réponse de cette dame distinguée qu’on n’entendait normalement jamais dire de gros mots en public.

Tante Anke était tout sauf une femme vulgaire. Elle avait travaillé toute sa carrière comme médecin généraliste. Si les cordonniers sont les plus mal chaussé, les médecins ne prennent pas assez bien soin de leur santé. Demandez donc au vôtre, de médecin, si elle (ou il) mange, boit ou fume trop. Mais revenons à nos émois linguistiques. Je m’étonnais donc qu’une femme malade puisse se sentir « bite-ment » mal plutôt que « conne-ment » mal. Elle se sentait toute …bête de devoir, elle aussi, monnayer d’un cancer, une vie de fumeuse. Pourtant fumer, je vous demande un peu, fumer des cigarettes Camel sans filtre en l’occurrence, est-ce con ou est-ce bite ? Je ne vous le fait pas dire.

Anne, journaliste soufrant d’un blocage à l’écriture et à la publication, coachée par Dialogism.

Dochamps, le 16 décembre 2008.

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