mardi 30 janvier 2007

Le commentaire du créateur du blog 2007

L'aventure onyronautique continue: Lou Schibronsky in the Sky with Diamonds.

On est toujours dans le domaine du rêve, des émerveillements et des perplexités de l'étudiante en philosophie face aux relations humaines.

LSD un trip à l'acide? Non, elle n'est pas acide, parfois elle est un peu acerbe, irascible, surtout envers ses parents, par exemple, mais après le jugement vient aussi le temps du pardon: c'est un travail de deuil et d'amour aussi.

Le deuil, c'est le processus où un manque externe est remplacé par une présence interne.

Chez Lou Schibronsky, le deuil de son enfance, c'est aussi une découverte : celle d'une véritable vie intérieure, c'est à dire d'un dialogue authentique avec soi-même.

In the sky? N'est-ce pas aussi un dialogue avec les anges? J. Lennon, J. Brel, J. Prévert, mais aussi F. Zorn, R. Tagore, L. Wittgenstein, J. Joyce, H. Arendt. Avec gratitude pour leur créations intellectuelles et artistiques.

With Diamonds ? des pierres précieuses, des perles. L'une des choses que Lou Schibronsky doit apprendre, et le plus tôt sera le mieux, c'est à ne plus jeter des perles aux cochons.

En février 2007, commence l'année lunaire du sanglier.
TvT est né sous le signe du sanglier, tandis que Lou est un dragon. Ce n'est pas vraiment ce qu'on appelle "a marriage made in heaven", une combinaison harmonieuse bénie par les dieux...

Et vous, qu'en pensez vous?

Lucie Antoniol

Diario Freddo Jeudi 31 janvier 1985

Cette différence qui me fait et me fera toujours souffrir tant que je serai ta compagne :
aucun espoir de faire de toi un européen, aucun espoir de faire de moi une asiatique.
Où pouvons-nous nous entendre?

Problèmes épistémologiques posés à une femmes ethnologue ?
Problèmes déontologiques?

Je pourrais te parler jusqu'à l'épuisement, mais toi?
S'il te plaît, dis-moi quelque chose.

Diario Freddo - Mercredi 30 janvier 1985

Je voudrais garder l'empreinte de tes mains sur mon corps pour ne jamais t'oublier. Un empreinte visible de moi seule.

Aimer quelqu'un, n'est-ce pas aussi apprécier sa compagnie aussi bien en public qu'en privé?

Pourquoi y a-t-il plusieurs TvT ?
Pourquoi et surtout comment sont-ils tous les deux, tous les trois sincères?
Quel rôle essayent-ils de me faire jouer?

Diario Freddo - Lundi 28 janvier 1985

Message trouvé affiché dans les couloirs de l'université :

"Récoltant un peu du prestige en miettes de l'Université, l'étudiant est encore content d'être étudiant. Trop tard. L'enseignement mécanique et spécialisé qu'il reçoit est aussi profondément dégradé (par rapport à l'ancien niveau de la culture générale bourgeoise, celui des Encyclopédistes ou d'Hegel) que son propre niveau intellectuel au moment où il y accède, du seul fait que la réalité qui domine tout cela, le système économique, réclame une fabrication massive d'étudiants incultes et incapables de penser.
Que l'Université soit devenue une organisation - institutionnelle - de l'ignorance, que la "haute culture" elle-même se dissolve au rythme de la production en série de professeurs, que tous ces professeurs soient des crétins, dont la plupart provoqueraient le chahut de n'importe quel public de lycée - l'étudiant l'ignore; et il continue d'écouter respectueusement ses maîtres, avec la volonté consciente de perdre tout esprit critique afin de mieux communier dans l'illusion mystique d'être devenu un "étudiant", quelqu'un qui s'occupe sérieusement à apprendre un savoir sérieux, dans l'espoir qu'on lui confiera les vérités dernières.
C'est une ménopause de l'esprit. Tout ce qui se passe aujourd'hui dans les amphithéâtres des écoles et des facultés sera condamné dans la future société révolutionnaire comme bruit, socialement nocif. D'ores et déjà, l'étudiant fait rire. "

(Lou Schibronsky détache l'affichette et l'emporte afin d'en méditer le sens et l'intention et afin d'essayer d'y affûter son esprit critique. )

dimanche 21 janvier 2007

Division of love's labour : Part 2 - Dimanche 21 janvier 2007

Dans son roman "Puff Ball", Fay Weldon parle de la même division du travail en amour/sexualité et cette fois du point de vue masculin. Voici le passage en question, dans sa version originale (Paperback, p. 116-117):

"There were, Richard thought, three kinds of women, and three kinds of associated sex. Liffey's kind, which went with marriage, which was respectful and everyday, and allowed both partners to discuss such things as mortgages and shopping on waking.

Bella's kind, which went with extra-marital sex, and self-disgust, and was anal and oral and infantile, and addictive, and so out of character that nobody said anything on waking if only because the daily self and the nightly self were so divorced.

Miss Martin's kind, which involved seduction : the pleasure of inflicting and receiving emotional pain : in which the sexual act was the culmination not to physical foreplay - for orgasm was in no way its object - but of long, long hours, days, weeks, of emotional manipulation.

It would not be possible, nor indeed desirable, Richard thought, to find these three different women in one body ; he could never satify his needs monogamously. Could any man?"

Les trois femmes de Richard correspondent respectivement aux trois hommes de Lou Schibronsky : Max Schibronsky, le mari, l'autre de la relation respectueuse; TvT, l'amant, son partenaire pour l'exploration sexuelle, et , LO, l'ami, l'expert de la manipulation émotionnelle mutuelle.

Lou Shibronsky n'a jamais lu ni entendu parler de Fay Weldon, soit dit en passant, même pas en traduction française.

Conversation avec Dipak Gohsh

L'écrivain indien R. Tagore compare une relation à un espace dans une maison, à une pièce.

Il faut des contraintes pour créer une pièce : un espace vide sans murs, ce n'est pas une pièce.

Mais les contraintes devraient être réduites au minimum, comme la coquille d'un oeuf qui est de l'épaisseur minimale qui convient pour contenir la vie : un germe, un blanc et un jaune.

Si les murs de la pièce deviennent trop épais, si les contraintes sur la relation sont trop lourdes, il ne reste plus assez d'espace pour que la relation puisse grandir.

Une cabine téléphonique n'est pas une pièce.

Dipak-da me conseille de lire "Silk" d'Alessandro Baricco
(ou Alessandro Barrico ) .
Et "Porter House Blue" de Tom Sharp.

Dans la bibliothèque de mon ami philosophe et écrivain Mathew Elton (à Edimbourg) :

Kurt Vonnegut
"God bless you Dr. Kevarkian"
"Timequake"
"Like Shaking Hands With God" : une conversation à propos de l'art d'écrire.

Lucie Antoniol
Glasgow, le 17 avril 2005

Diario Freddo - Vendredi 25 janvier 1985

Il serait temps d'avancer un peu dans le boulot:
Kant, Leibniz et les lectures de philosophie contemporaine !


La soirée de mercredi m'a laissé un goût bizarre dans la bouche.
Trop de comédie.
Je m'y perds.
Je ne sais plus où est la réalité.
Si il y en a une .
Si je ne vais pas vomir le jour où je la connaîtrais.

Pourquoi faut-il que tu sois le tigre et moi la jungle?
Toujours prêt à bondir et à griffer et à mordre.
pour sauver ta vie que tu crois menacée.
Pas par moi.
Pas par moi, tu sais .


"Hante ô gnôle mes nuits si lasses,
Dissous ce coeur blessé sans cesses."

in Adrianus, Opera Omnia Mea, Tome III, p. 69, 985, Seranius, ex typis suis.

Diario Freddo - Mercredi 23 janvier 1985

Il me semble que tu pousses vraiment très loin la comédie , TvT.
Je ne sais plus qui est le vrai TvT.
Pourquoi il y en a plusieurs.
Pourquoi ils ne sont pas tous vrais.
En tout cas je ne peux pas les aimer tous.

Très mauvaises habitudes avec l'argent.
Il lui file entre les doigts, il disparaît.
Il le prend là où il est.
Il devient câlin pour obtenir des largesses.
A ce train, il ne sera jamais riche.
Il croit encore à son autorité sur moi.
Et je le laisse croire.

Ne jamais oublier :
1. Sa prodigalité et son ingratitude.

"Il est plus facile de donner que de prendre", comme le disait Fritz Zorn.
Cette horreur de se sentir redevable. Elle est bien là chez lui.

2. Ne pas céder aux fantasmes que je ne partage pas.
Tenir ma promesse envers moi-même.

Et pourtant.
Échange de "je t'aime" bien cachés dans la forêt d'autres plaisanteries.
Moi : "Je veux bien nourrir en même temps que toi."

A quel sujet ais-je donc parlé de passion?
Ah, oui! les fruits de l'amour, les fruits de la passion.

Diario Freddo - Mardi 22 janvier 1985

Du silence dans la tête.
Le bruit tout autour.
Ce bus ressemble à un poulailler.

Bruit dans la tête et silence au dehors.
Hypersensibilité des oreilles.

Une conversation assez "bateau" sur le malheur de devenir aveugle.
Prestige de la vue.
Dévalorisation des autres sens.
Moi, je serais désespérée de perdre le goût et l'odorat, parce qu'on doit manger tous les jours : si tout devient fade, on n'a plus de joie dans la vie.
Peur de perdre surtout le sens du toucher : plus de caresses, plus de plaisir d'amour.
Devenir hémiplégique.
Perdre jusqu'à la sensibilité des lèvres et des paupières.
Perdre la vie.

Diario Freddo - Lundi 21 janvier 1985

Confirmation de toutes les hypothèses.

TvT : Je lui ai dit qu'il devait me présenter un nouveau garçon.
Que ça faisait trop longtemps que j'étais avec lui.
Mais que je lui faisais confiance pour me choisir quelqu'un de bien.
Il m'a presque crue.

Diario Freddo - Vendredi 18 janvier 1985

J'ai formulé plusieurs hypothèses pour m'expliquer cette situation : j'ai l'impression qu'il est devenu impossible de m'asseoir et de bavarder avec mes copains tout simplement, comme avant.

1. C'est à cause des examens : on n'a pas le temps ni l'envie de perdre du temps à bavarder de tout et de rien en français. On ne parle plus que des cours.

2. J'ai dis une fois que je trouvais nos conversations débiles et que ça me dégoûtait de prendre part à des stupidités et que nos feintes et nos blagues étaient sur-usées.

3. C'est à cause de la jalousie de TvT : il préfère s'isoler avec moi, il voudrait être le seul personnage possible dans ma vie, le seul que je voie.

4. C'est un pur hasard : on n'en a plus eu l'occasion.

5. Mes copains m'évitent. Parce que j'ai un amant, je suis considérée comme "casée" et on n'ose plus me parler comme avant.

6. Finalement, tout cela n'a pas beaucoup d'importance, parce que je peux toujours faire de nouvelles rencontres et de nouvelles connaissances. Cependant il me semble toujours qu'après un certain temps la spontanéité des débuts soit perdue.
Devient-on transparent ? Les gens ne nous voient plus, nous sommes englobés, digérés, même pas acceptés ( car cela impliquerait une certaine distance respectueuse ), mais bien phagocytés, ... et on a la forte impression, pour continuer sur la même métaphore digestive, qu'on fait chier !

Un excellent titre, "La sixième hypothèse", dit mon ami Sylvain Maes, à qui je fait part de ma perplexité et à qui je relis mes pensées.

lundi 15 janvier 2007

Le rêve de Jacques Brel - Lundi 15 janvier 2007

"... le seul fait de rêver est déjà très important.
je vous souhaite des rêves à n'en plus finir
Et l'envie furieuse d'en réaliser quelques uns.
je vous souhaite d'aimer ce qu'il faut aimer
Et d'oublier ce qu'il faut oublier.
je vous souhaite des passions.
je vous souhaite des silences.
Je vous souhaite des chants d'oiseaux au réveil
Et des rires d'enfants.
je vous souhaite de résister à l'enlisement,
A l'indifférence, aux vertus négatives de notre époque.
Je vous souhaite surtout d'être vous."

Jacques Brel.

Une citation à vous couper le souffle du pape des onyronautes !
Merci à Brigitte Penot-Sobkowiak!

The division of love's labour - Dimanche 14 janvier 2007

Lou Schibronsky a trois amants en 1985: LO et TvT (toute l'année), et Max Schibronsky (plus tard, à partir de septembre).

Avant sa rencontre avec Max, elle partage ses passions entre son "amant de plume" et son "amant de peau". Tous les deux sont d'assez petite taille et ont les cheveux noirs, mais là s'arrêtent leurs ressemblances.

Avec le premier, elle échange des lettres, s'embarque dans des conversations d'humanistes cultivées (ils ont tous les deux fait leurs gréco-latines), développe son goût pour la musique (musique classique que LO lui fait découvrir et musique pop qu'elle fait découvrir à LO), le cinéma d'auteur (I. Bergman, W. Allen, R. Altman, D. Lynch, etc.) , le théâtre ( ils ont vu ensemble "L'éveil du printemps" de Wedekind, par exemple), et s'adonne à leur passion commune pour l'étrange culture du Japon (à travers Y. Mishima, car LO est gay, mais aussi toute la littérature qui précède celui-ci). LO y est allé lui, au Japon. Il a déjà fait un "tour du monde" en voyage organisé, d'ailleurs. Lou, elle fait du karaté. Elle lit les maîtres Zen aussi.

Avec le second, "l'amant de peau", choisi par Lou dans le cadre de la fascination commune de LO et Lou pour les asiatiques, Lou explore sa sexualité, la cuisine orientale, et une toute petite partie de la culture chino-vietnamienne.
TvT est en effet un étudiant en médecine vietnamien issu d'une famille bourgeoise de réfugiés politiques. Des réfugiés privilégiés, les "plane people", pas un des infortunés "boat people" que l'on connait des actualités des années '7O. Madame Le Thi avait de bonnes connections, son mari était un officier de l'armée sud-vietnamienne.

- "Pourquoi faire simple, quand on peut faire compliqué?", direz-vous.

Pourtant, il y a une certaine folie de l'intimité, liée à note époque, où l'on veut qu'un seul être soit à la fois le meilleur ami, le meilleur amant et le meilleur mari. Fidèle comme un ami, passionné comme un amant et solide comme un mari.

Et si la personne accablée de tous ces rôles et de toutes ces tâches hétéroclites n'a pas toutes les qualités et compétences nécessaires pour remplir les premiers ou mener à bien les secondes? Est-ce bien raisonnable d'en demander tant d'une seule personne?

Il fut un temps où les femmes n'avaient d'intimité avec leur mari que celle de la procréation (et encore, je veux dire celle de la conception, pas celle de la grossesse et de la naissance) et avec leurs meilleures amies, elles partageaient les confidences et les émois que leur inspirait la vie, tandis que les plus fortunées d'entre elles exploraient leur sexualité avec l'amant ou l'amante de leur choix, si elles avaient la chance de rencontrer un jour une véritable passion amoureuse, mais ça n'arrive pas à tous le monde, comme on sait.

Ceci dit, n'y a-t-il pas bel et bien quelque chose de malsain dans la division des passions de Lou Schibronsky entre LO et TvT ?
Quelque chose que TvT ne peut pas vraiment digérer, lui qui est venu le deuxième et qui n'arrive pas - il n'en aurait certainement pas le temps : il étudie la médecine - à rivaliser sur le plan culturel avec LO qui étudie la mise en scène et le cinéma.

Lou Schibronsky ne se rend pas compte que cette situation est injuste envers son amant de peau. Elle croit que la douce intimité qu'elle vit avec LO s'appelle "amitié" et que le désir qu'elle éprouve pour le corps de TvT s'appelle "amour".

Là, il y a des confusions et des glissements de sens, tant qu'on veut.
De quoi délecter un analyste (du language, de la psyché, ou des comportements,...).

- Et vous, ça vous inspire quoi, cette situation?

Et comment vont s'équilibrer les forces de ce champs magnétique, quand Max Schibronsky, le troisième homme, celui qui aurait pu être "le mari" de Lou, va faire son apparition sur scène? Ça nous ne pouvons pas le savoir, sans faire un "flash forward" vers l'automne de 1985.

Max Schibronsky ist überall !

Max est allemand, il vit à Hambourg, il étudie la géographie, travaille chez un éditeur de littérature pour enfant. C'est un grand blond et frisé. (Ben oui, les frisés quoi!)
Max est passionné par l'Italie, il parle très bien français. Il va rencontrer Lou dans l'auberge de jeunesse, pendant ses vacances à Firenze (Florence, Italie.) Ils vont s'écrire des lettres, devenir intimes, s'aimer entre les draps de nombreux lits aussi, et ... que va-t-il se passer?
Pas un "happy end" holliwoodien, rassurez-vous.
Oooh, non!

A la radio: "Putain, putain, c'est vachement bien,
nous sommes quand même tous des Européens !",
chante Arno de T.C. Matic.

vendredi 12 janvier 2007

Diario Freddo - Samedi 12 janvier 1985

Moi, je ne mourrai jamais !
Il est plus facile de mourir soi-même que de vivre la mort d'un autre, surtout d'un autre que l'on aime : on ne vit pas sa propre mort, puisqu'elle est la limite intangible de notre vie : on ne meurt jamais en quelque sorte.

"La mort est dure, plus dur encore est le chagrin"

Paul Valéry ????

Diario Freddo - Vendredi 11 janvier 1985

(Lou Schibronsky écrit dans son journal cette citation en pensant à son amant vietnamien TvT, mais sans mentionner la provenance de cette phrase.)

"Il appartient à la 'génération trompée', celle dont les premiers choix de la vie ont été remplacés sans pitié par la guerre qui a accéléré le rythme de leur vie, durci leurs illusions."

Frits Zorn, Mars ???

mardi 9 janvier 2007

Diario Freddo - Jeudi 10 janvier 1985

LO, l'amant de plume.

Reçu un coup de téléphone angoissé de mon "petit frère" qui en a marre de souffrir.
- "Mais ne me laisse pas tomber. Ne me laisse pas seule dans ce monde sans toi ! " lui dis-je.

J'ai fondé tant d'espoirs, de projets pour nous. Ne me laisse pas.
Et puis si tu ne vois pas de solution à ta souffrance, ce n'est pas qu'il n'y en a pas.
C'est que ce n'est pas à toi, dans ce cas-ci, à la trouver.
Parfois, la solution vient de l'extérieur.
Il ne veut pas de toi. Tu ne peux pas forcer l'amour de quelqu'un.
Un jour, tu rencontreras quelqu'un d'autre. Tu tomberas amoureux à nouveau.
Un jour, tu rencontreras l'homme de ta vie.

"My mama said : You can't hurry Love.
No, you'll just have to wait.
Love don't come easy.
It's a game of give and take."
Phil Collins.

Diario Freddo - Mercredi 9 janvier 1985

L'amant : TvT

Il dit qu'aujourd'hui, c'est la nuit de noce, puisqu'il m'a perdue hier et qu'il m'a retrouvée aujourd'hui. J'ai l'impression que tout cela sonne un peu faux.

Schtroumphf coquet a acheté un nouveau pantalon. Il se questionne en se regardant dans le miroir. Il trouve qu'il perd trop de temps à se regarder quand le miroir reste dans sa chambre. Alors, il l'exile sur le balcon, dans la neige. Plus tard il ouvre la porte fenêtre pour cueillir son vieux miroir tout givré. Je me roule sur le tapis de rire.
Il n'y a pas d'âge pour jouer dans la neige....

Diario Freddo - Mardi 8 janvier 1985

TvT à la pleine lune.

Le Schtroumphf grognon a encore frappé.
Un malentendu, bien sûr, comme d'habitude. De plates excuses et ça recommence.
Finalement, il dit que c'est bon de temps en temps de se tester. Mais il se demande parfois, s'il mérite encore de sortir avec moi. Une sainte comme moi (!)
Hé, hé, moi aussi je me le demande parfois...
Je n'a pas envie d'affronter l'inconfort d'une rupture : j'ai besoin de son amour. Il se passera de cadeau pour son anniversaire, demain, c'est tout.

dimanche 7 janvier 2007

Diario Freddo - Lundi 7 janvier 1985

Hier, avec mon filleul Sébastien qui a six ans, nous avons eu l'occasion de jouer un jeu de table, en famille . Il apprend à jouer aux jeux de société et comme il et le plus jeune, il perd souvent. Bien sûr, il n'est pas content, il pleure, parfois il se fâche. Il refuse de jouer une revanche. J'essaye de lui parler, de lui expliquer qu'on peut perdre aussi au jeu de façon honorable quand on a fait de son mieux pour bien jouer. Et qu'on peut quand même s'amuser à jouer tous ensemble, trouver du plaisir dans le jeu plutôt que dans sa conclusion. Que c'est même plus gai, si c'est pas toujours les mêmes qui gagnent, s'il y a un peu d'alternance. Ça donne envie de rejouer, de tenter sa chance encore une fois. D'essayer de prendre sa revanche, car plus on joue plus on apprend, plus on devient meilleur à ce jeu.

Comme je le comprends, comme je ressens ses colères, sa honte, à nouveau. Évidemment, comme chaque fois qu'on joue à des jeux en famille, ma mère me ressert la vieille histoire de famille : "Moi, j'en connais une qui étais une très mauvaise perdante. Et qu'est-ce qu'elle se fâchait, quelles scènes de colères elle nous faisait!"
Et elle s'en moque encore, et elle fait la fière. "Finalement, pour avoir la paix, combien de fois est-ce qu'on ne t'a pas laissé gagner !" Qu'est ce qu'on était bons avec toi.

Et là, cette fois-ci, j'ai explosé. C'en était une fois de trop.
- "Vous n'avez jamais compris que si j'étais mauvaise perdante, comme tous les enfants, vous, vous étiez d'autant plus de mauvais gagnants? J'étais la plus jeune de la famille après tout. Pourquoi vous moquiez-vous des perdants au jeu?"

- "Et puis, vous disiez toujours : "Ce n'est qu'un jeu, après tout" ou des platitudes de ce genre.
Pour un enfant, jouer, c'est du sérieux. Jouer, c'est apprendre à vivre.
Et vous vouliez en même temps que je devienne une gagnante dans la vie?
Ou une bonne perdante comme vous, peut-être?"

- "Et maintenant, vous allez faire la même chose avec Sébastien?
Vous lui faites honte de perdre, en même temps que vous lui demandez d'être gagnant, et ensuite vous essayez de lui faite croire que tout ça n'a pas d'importance, et que ses sentiments et ses émotions sont déplacées. Qu'est-ce que c'est que cette comédie insensée?"

- "Et aujourd'hui, vous me dites que vous me laissiez souvent gagner?
Ah, bravo! Ça , c'est le sommet de l'art de l'éducation ! "

Comment mieux faire pour donner à un enfant un faux sens de la confiance en soi?
Et vous croyiez peut-être que j'en était dupe à chaque fois?
Quel meilleur moyen pouvez-vous imaginer de donner à un enfant l'illusion que, dans la vie aussi, les autres se doivent de lui faire une fleur, à la moindre difficulté, qu'il est normal de lui donner des passes-droits, ou de piper les dés en sa faveur?

Vous en avez d'autres comme ça? Des techniques pour lui faire croire qu'il ne pourra gagner qu'un trichant, avec la complicité de tous, de surcroît.
Vous vous spécialisiez dans la formation de petits imposteurs?
Tout ça, juste pour avoir la paix. Pour ne pas devoir subir mes colères d'enfants.

Mon frère m'a avoué qu'un jour vous avez emmené mon chat à la campagne, pendant que j'étais à un camps scout. A mon retour, vous avez prétendu que le chat était parti, s'était perdu dans les bois. Vous l'avez appelé avec moi, au fond du jardin. Vous avez même fait la tournée des voisins avec moi pour demander s'ils avaient vu Cléo.

Comment pouvez-vous mentir à un enfant, plutôt que de prendre le temps de lui expliquer pourquoi vous ne désirez plus avoir un chat à la maison, pourquoi cela avait été une erreur de l'adopter en premier lieu?
Être malhonnête avec vos proches, et prétendre à leur donner une éducation morale, vous trouvez ça logique?

J'ai longtemps regretté la perte de mon petit chat, j'ai même pensé que c'était de ma faute, parce que j'étais partie au camp et que j'aurais du rester m'en occuper mieux.

J'en ai été triste , jusqu'au jour, des années plus tard, où j'ai appris la supercherie. Alors j'étais en colère pour le chagrin d'enfant que vous m'avez causé inutilement. Et je me demandais quel genre de gens vous étiez, pour avoir ainsi peur d'affronter mes colères d'enfant, mes refus et mes rébellions, au point de préférer plutôt de me mentir et de tricher.

Vous auriez pu me persuader de confier Cléo au fermier, où j'aurais pu aller lui rendre visite de temps en temps et le voir devenir un vrai chasseur de souris et avoir une belle vie de chat.

Pour en revenir aux jeux, vous avez réussi à transformer une mauvaise perdante en mauvaise joueuse. Je vous en félicite : quel chef d'oeuvre!

Je suis devenue celle qui se place d'emblée hors jeu. Paralysée par la peur de perdre et par la honte à la possibilité même de ne pas gagner, vous avez fait de moi quelqu'un qui hésite à être un véritable protagoniste dans les jeux sérieux de notre société.

Quelqu'un qui se met toujours dans la position de l'ethnologue, de l'observateur extérieur. Quelqu'un qui rêve sa vie, au lieu de la prendre à bras le corps.
Quelqu'un qui se réfugie dans les coulisses et dans les antichambres et n'ose pas prendre le risque de monter en scène.
Quelqu'un qui s'efface et laisse passer les autres, là où une place sur mesure l'attendait, si seulement elle était prête à se battre pour l'obtenir.
Quelqu'un qui se répète: "C'est perdu d'avance."
"Mieux vaut se retirer hors du jeu, que de risquer de rencontrer la honte à nouveau."

Bravo, je vous remercie pour cette leçon de vie!

(....)

Finalement, je ne vous ai pas écouté. Je le comprends à la façon dont j'ai envie de parler à Sébastien. De lui dire qu'il a raison d'être en colère. Qu'il faut du courage pour apprendre à jouer. Qu'en persévérant, on y trouve du plaisir.
Heureusement, j'ai reçu des encouragements ailleurs.
Finalement, l'appétit de vivre en moi à quant même repris le dessus.
Mais pas grâce à vous.

Vous, vous disiez à qui voulait l'entendre, et vous le dites encore devant un enfant de six ans, que j'avais mauvais caractère. Que j'étais colérique. Quand on me mentait, on me trompait, on ne tenait pas compte de mes besoins! Vous trouviez mes rebellions, vis à vis du sentiment de ne pas être respectée, très déplacées, et mes émotions violentes, irrecevables. Comment d'autre vous attendiez-vous à ce que je réponde à vos petites violences? Par la soumission? Par la flatterie?

Qu'est ce qu'on a du vous faire, à vous, pour vous couper les ailes, et pour vous rendre aussi mesquine? Qu'ont-ils fait de votre générosité? De votre grandeur d'âme? De votre noblesse?
Combien d'humiliations ont-elles été nécessaires pour vous rendre aussi "bête", bestiale?
Être la reine des poules dans la hiérarchie des coups de becs. C'est tout ce qui vous restait?

samedi 6 janvier 2007

Diario Freddo - Dimanche 6 janvier 1985


Ma mère aux yeux d'Asie

Au regard de diamant
A la douceur de statue de jade.

Ma mère au sourire de boutique chinoise
Aux éclats de rire de la fête du Têt
A l'orgueil des familles de mandarins.

Ma mère à la richesse des souvenirs d'enfance
A la mémoire de ville bouillonnante
Aux incertitudes d'un pays déchiré.

Ma mère au désespoir des vaincus
Au chagrin du prisonnier de guerre
A l'inquiétude des lettres et des colis postaux.

Ma mère à l'angoisse d'un rendez-vous manqué
A la lourde tristesse d'un voyage inutile
Au deuil de foulards de soie blanche.

Ma mère au grain d'espoir d'un visa pour la liberté
Ma mère aux frissons d'un exil en hivers
Ma mère au courage de cathédrale gothique.

Ma mère à la force du tigre des montagnes
Ma mère à la patience des pluies de la mousson
Ma mère à la volonté obstinée du fleuve qui traverse la plaine.

Poème de Lou Schibronsky en l'honneur de Madame Lê Thi Nguyêt.
Atelier d'écriture de Danièle Bajomée, Université de Liège.

****

Et bien parlons-en de deuil, c'est un deuil littéraire dont il s'agit maintenant:
Si le journal de Lou Schibronsky a refait surface dans mes archives, le classeur contenant une douzaine de textes poétiques rédigés par l'étudiante dont nous suivons les errances s'est égaré.

Où sont les textes de jeunesse de Lou Schibronsky?
Quelques uns furent publiés, comme "Quelle est la différence entre une cigogne?" dans une petite revue littéraire qui n'existe peut-être plus, ou offerts aux personnes concernées comme c'est le cas de "Ma mère aux yeux d'Asie" et "Ma souris" le portrait de son amant Max Schibronsky ( Cf. Septembre 1985), mais comment retrouver ces personnes? Et comment ferons nous pour lire "Nouaisons populaires" et "La rencontre insolite..." et tant d'autres des petites créations fraîches et spontanées qui révélaient tout l'enthousiasme de la jeunesse de leur auteur?

Le cycle de la vie, c'est aussi: s'apercevoir en rédigeant un blog que les archives sur lesquelles l'auteur comptait se fonder sont lacunaires, comme la mémoire. Que dès lors ce recyclage de textes devient un recyclage de mots, dans l'univers des mots qui nous appartient à tous, et de ces mots partagés naîtront de nouveaux textes pour honorer la mémoires des petits enfants perdus de Lou Schibronsky dont on ne se souviens que de quelques titres.

Des textes pour parcourir les sept étapes du deuil:

Le déni: "Non, je ne les ai pas perdu, ils doivent être dans le grenier de la maison à vendre..."
Le marchandage: "Et si je retrouvais Madame Le Thi - vit-elle encore?, elle doit bien avoir 82 ans?-, les petites revues littéraires, les archives de l'université de Liège, les amis de Lou, les membres de son atelier d'écriture Lou Schibronsky Verlag?"
La colère: "Je parie que j'avais laissé ce dossier chez mes parents avec mes cours de maîtrise en traduction et que ma mère a tout envoyé aux vieux papier, comme elle a donné ma robe écossaise verte et mon karate-gi à une oeuvre, un jour où elle était en colère contre moi parce que j'avais osé la critiquer..."
La tristesse: "Ces textes de jeunesse, c'était le premiers "enfants de papier" de Lou, des enfants perdus? morts-nés? des fausses-couches? Ils étaient pourtant si beaux, même dans leur maladresse, avec leur fraîcheur, leur innocence, leur spontanéité,..."
L'incompréhension: "Comment ai-je pu les laisser traîner dans le grenier, chez mes parents, les prêter à quelqu'un, quoi d'autre? Comment ma mère a-t-elle pu les jeter, les détruire? Ne pas se rendre compte combien ils étaient précieux et les jeter par mégarde, ou justement se rendre compte de cela et délibérément les détruire ? Comment ai-je pu être aussi idiote et imprudente pour venir mettre ma mère en colère, et en même temps oublier qu'elle détenait encore les archives précieuses de mes débuts littéraires? Comment ai-je donc pu oublier ses sentiments mêlés vis à vis de la fiction et de l'écriture de création? Pourquoi s'attaquer à de pauvres mots innocents?"
L'acceptation: "Peut-être qu'il vaut mieux se disputer ainsi que d'en venir aux mains. Peut-être que sa violence et sa brutalité, déclenchées par mes critiques acerbes, étaient la seule défense qu'elle s'est trouvée, elle qui n'a pas, comme elle me le fait chaque fois remarquer, mon entraînement à l'argumentation, à la bataille des mots. Les mots, pour les "argumentateurs" malhabiles, ne sont-ils pas la meilleure corde à la quelle se pendre? Elle dit parfois que je l'ensorcelle de mes mots, que je la manipule comme je veux, que j'aurais toujours le dernier mot. Alors à elle, je dois bien lui concéder un dernier geste d'autodéfense."
Le réinvestissement: "Ce qui est perdu est perdu, mais je chose ne sont pas aussi mauvaise qu'elles le semblent. Il est temps que tu lâches prise sur le passé. Gilbert Ryle disait que retourner sur ses vieux textes de jeunesse, c'est faire comme un chien qui remange son vomi. Bah! L'atelier d'écriture de Lou Schibronsky, c'est dépassé. Tant d'eau est passée sous les ponts depuis....
Et tu as maintenant la capacité d'écrire. Le talent s'est développé. Et tu as en toi un trop-plein d'histoires qui n'attendent que ton bien-vouloir pour sortir. Alors les mots perdus, les bribes dont tu te souviens, tout ça, tu les remets dans le creuset de l'alchimiste et tu en fait de nouveaux écrits. Même si de tes bateaux s'est perdu en mer, tu reparts à la pêche, tu jette le filet du langage de l'autre côté et tu ramènes assez de "silver darlings" pour nourrir toute la maisonnée.

Tu viens de t'embarquer dans un nouveau projet, justement: c'est le blog "Diario Freddo", deux journaux d'écrivains en écho : celui de la jeune fille et celui du coach. En parallèle, l'après-guerre du Vietnam et les nouveaux conflits américains en Afganistan et en Irak. La division du travail amoureux dans la multiplication des amants de l'étudiante Lou Schibronsky et l'unification de l'amour et de l'amitié dans l'harmonisation et dans la maîtrise de soi du philosophe. L'équilibre enfin trouvé entre les besoins et les désirs de la vie intérieure et les exigences de la vie publique sociale."

Lucie Antoniol
15/1/2007

vendredi 5 janvier 2007

Les rêveries du coach - 5 Janvier 2007

Cette "peur de vivre" dont parle Lou Schibronsky ne l'a-t-elle pas déjà rencontrée et surmontée? Sous quelle forme en particulier?

Elle est au bord de l'eau et elle ne sait pas nager.
Elle a peur de l'eau.
Elle voit passer un nageur. Elle le suis longuement du regard.
Elle désire faire l'expérience de ce plaisir : glisser sur l'eau, dans l'eau.
Et ce désir, elle l'a un jour réalisé.
Maintenant, elle sait nager, plonger même.
Elle n'a plus du tout peur de l'eau.

De spectateur à acteur.
Prendre la vie à bras le corps et en jouir.
Sentir sur ses épaules le poids des responsabilités et en éprouver du plaisir.
Ressentir la beauté du monde et la joie de vivre, d'exister.

Se sentir reliée aux autres êtres humains et oser aimer à nouveau.
Prendre encore et encore le risque de les perdre, ces êtres aimés.

La sagesse populaire dit que vivre , c'est tomber sept fois et se relever huit fois.

Le monde est un chaos : désordonné et incompréhensible, incontrôlable surtout.
Pourtant il doit bien y avoir un moyen d'y faire quelque chose, non ?

Lucie

jeudi 4 janvier 2007

Qu'est-ce qui ronge Lou Schibronsky? 4 Janvier 2007

Tenir un journal, écrire sa vie, c'est vivre deux fois. Or la vie imaginée de celui qui écrit est bien meilleure. Elle est sous son contrôle. L'auteur la crée, lui donne forme, selon ses désirs.
Sa vraie vie est amère, courte, ennuyeuse, soumises aux nécessités et aux routines que l'auteur préfère effacer de la version scriptée, comme dans les films où la vie quotidienne est presque toujours représentée sans temps morts.

Écrire est son excuse pour exister. C'est aussi le soutien d'une mauvaise mémoire. J'écris pour me souvenir des choses et des événements, pour régler mes comptes avec eux, pour comprendre ce qui s'est passé, ce qui m'est arrivé et pourquoi les choses se sont passées ainsi.

Elle se sert de son écriture comme arme de protection contre l'ennui. Comme une arme de séduction aussi.

Un philosophe déclarait lundi dernier à la radio qu'elle pensait que peu de gens ont une véritable vie intérieure. Je ne suis pas sûre de ce qui compte, selon elle, comme "vie intérieure".
Une vie parallèle structurée qui accompagne notre vie ordinaire? Est-elle faite de pensées, de rêves, de projets, de fantasmes, d'actions aussi?

Quant à Lou Schibronsky, elle se sent plutôt embarrassée, affublée d'une vie intérieure intempestive qui parasite sa vie quotidienne où elle essaye tout le temps de faire irruption, d'émerger et d'attirer l'attention. Cette vie "intérieure" est toujours une critique de sa vie "extérieure" la place de laquelle elle estime lui revenir en droit. Elle voudrait être publique et non rester une vie privée. Mais n'est il pas dans la nature même d'une "vie intérieure" de rester privée?

Quand Lou Schibronsky n'écrit pas elle se sent honteuse comme si elle n'honorait pas une promesse, comme si elle était en rupture de contrat. Au bout d'un temps très court, elle doute de son engagement à long terme dans son projet d'écriture. Écrire , c'est sa bouée de sauvetage. C'est ce qui la sauve d'une vie vouée à l'échec, à l'ennui et à la banalité.
C'est pour cela qu'elle écrit: pour laisser une trace, être remarquée, se sentir exister.

Pourtant si un psychologue lui demandait pourquoi écrire est si important pour elle, Lou Schibronsky ne saurait que répondre. C'est comme une évidence pour elle. C'est comme si on lui demandait: "Pourquoi est-il si important pour vous que 2 + 2 soit égal à 4?"

"Mais, mais...", balbutierait-elle, après un long moment de réflexion, "je suis une créature qui écrit et quand je ne réalise pas cette vocation, je me sens comme une imposteur, une fraudeuse, une menteuse, un tigre de papier. "

"Je veux écrire de façon à laisser la musique des mots prendre forme, tomber par hasard sur cette image enchanteresse ou formuler sans préméditation cette nouvelle combinaison de pensées: le filon d'or fin que l'on découvre quand on s'y attendait le moins. Parfois, j'écris juste pour le plaisir, pour la joie d'une trouvaille inespérée. J'aime l'improvisation. En musique aussi."

Et écrire à propos d'une vieille amitié caduque, est-ce une façon de lâcher prise ou bien justement une manière de s'y accrocher encore?

Se souvenir, c'est d'abord oublier, et puis se remettre en mémoire ce qu'on avait oublié, le recréer, lui redonner vie. Pour lâcher prise sur une amitié passé, il faudrait donc s'y accrocher sous une autre forme: en faire de la fiction, de sorte que la véritable amitié historique puisse s'estomper, tandis que l'histoire qu'on a recréer puisse rester avec vous, comme une petite histoire bien faite avec un début, un milieu et une fin, et toutes ses parties bien arrondies.

Lâcher prise, pour une créature qui écrit, comme Lou Schibronsky, c'est se créer une fin qui la laisse heureuse de continuer à vivre ou bien qui lui permet d'y survivre, tout simplement.


Voici maintenant la réponse d'un autre créature écrivante à la même question :
Pourquoi écris-tu? Pourquoi est-ce si important?

Tonio Adrénalin :

"On écrit d'abord parce qu'un jour on en a envie, et cette envie, comme une envie de chocolat chez un enfant, elle est irrépressible. C'est inutile de lutter, l'envie revient toujours et on fini par y céder. On écrit par nécessité, parce qu'on ne sait pas faire autrement. "

"On écrit par jeu, par plaisir, par surprise pour retrouver l'étonnement, l'émerveillement, pour se surprendre, pour se concentrer, pour se détendre, pour s'éloigner du quotidien, mais pour se rapprocher de la vie. Straight to the bone of life. "

"On écrit pour combattre la solitude et se prouver qu'on existe : on laisse ainsi une trace matérielle qui dit: "oui, il y avait bien un être humain, là. fait de rêves, d'espoirs, de souffrances et de joies.
Quand on se lit on se rappelle à l'ordre: voilà celui que tu étais. Es-tu devenu celui dont tu rêvais? Qu'as-tu fait de tous ces rêves? L'écriture se fait boudoir, refuge, salon privé que l'on se réserve, et où n'entre pas n'importe qui: un endroit où l'on est autre tout en étant profondément soi-même."

"Écrire parce qu'on ne sait pas peindre ou sculpter. "

"Écrire pour se forger un nom, au delà de celui dont on hérite. (C'est, parait-il, un ancienne tradition juive. )"

"Et que sais-je encore?"

"à toi de continuer."

Petite remarque du coach :

Adrénalin emploie beaucoup d'impersonnels et d'infinitifs. Plutôt que de dire: "J'écris parce que ...", il dit: "On écrit" ou "Écrire". C'est significatif.

Sous couvert de parler en général ou d'universaliser son cas, Adrénaline ne prend pas entièrement en charge son besoin d'écriture. Il attend du monde que les autres remarquent et prennent en compte, si pas en charge, la satisfaction de ce besoin.

Il ne dit jamais: "Je veux", "Je peux" ou " Je vais" par rapport à son désir d'écrire.
Il attend et espère que les conditions favorables à la réalisation de ce désir, pourtant très profond, vont être rassemblées pour lui.
Sa motivation reste extérieur de lui, dépend d'autrui.
Quand lirons nous, dès lors, les oeuvres complètes de Tonio Adrénalin ?

mercredi 3 janvier 2007

Diario Freddo Jeudi 3 janvier 1985

Fritz Zorn :

"Celui qui n'accepte jamais rien ne doit jamais non plus dire merci et peut ainsi se soustraire à la pénible obligation d'être un jour redevable à quelqu'un de quelque chose. cette sorte de politesse n'est rien d'autre que de l'égoïsme. j'ai toujours défendu le point de vue que donner - du moins dans notre société suralimentée où l'on ignore le besoin matériel - rend beaucoup beaucoup moins heureux que prendre. En effet, donner ,n'importe quel millionnaire peut le faire (...), mais accepter quelque chose avec gratitude et ne pas envoyer, dès le lendemain, un cadeau de même valeur en échange, cela, rares sont les gens (...) qui en sont capables." Mars, p. 70.


Extrait d'une lettre de Lou Schibronsky à LO :

Penses-tu que je puisse encore être heureuse en te sachant si désespéré?
Penses-tu que je pourrais encore être heureuse, s'il t'arrivait quelque chose de grave?

Cet amour non partagé, c'est la chance de ta vie, si tu arrives à dépasser ce désespoir. Imagine que tu es sur la lune et regarde le LO d'en bas sur la terre. ( ...)
Nous aimons le tragique : nous le recherchons. Nous aimons pleurer sur nous-mêmes. Nous mettre en scène et nous donner en spectacle.

Extrait d'une lettre de Lou Schibronsky à Kalinka :

Nous changeons. A mon avis, ce n'est pas en surface. Nous changeons de centre, de point de vue, de perspective.
Je préfère mettre l'accent sur nos différences que sur nos ressemblances : l'amitié n'en devient que plus volontaire.


Film, la réplique qui tue :

"Vous marinez toujours chez vos harengs?"
dans Une semaine de vacances de Bertrand Tavernier.


mardi 2 janvier 2007

Diario Freddo Mercredi 2 janvier 1985

Les collages:

I.

J'ai cherché comme un fou un rendez-vous surprise sur la route.
Je me promène ivre dans le grand monde. Ca alors ! Et si je kidnappais un hérisson?
Les grandes idées sont souvent simples.
J'ai osé aller loin pour une fois, c'est chouette. Je change donc de bottines.
L'indicateur me murmura: "Tu es trop con, voyons".
"Sans blague" fis-je. Je me foutais de ce fichu métier. je cherche la plus mignonne, la plus spéciale. Si vous voulez l'allumage électronique, c'est hors de prix.
- "Ca va, t'as gagné". Ca mérite un cierge.

II.

Il était une fois dans le pays des cons, cette enfant, face au théâtre fantastique des faits et gestes de tous ces clowns.
"Que casino !"
L'étrange alternative entre le prostitution et la guerre, le destin et la nécessité.
Pas d'accord.
Il ne faut pas se vendre aux vampires.
Cette femme qui paraît vivre de l'air des lettres offre à des milliers de jeunes l'élégance d'un autre exemple à suivre : le jeu de l'esprit.

Le hérisson

III.

Un cycliste à formule enrichie, pour lessiver un incroyable accord signé parle - rêve d'espoirs hélicoïdaux, en différents versions.
Je suis complètement con chez vous, découvre-t-il. Oui, je désire vraiment maigrir pour entrer dans les somptueux paquets de dossiers : les foutaises anti-peluches.
La nouvelle poudre à créer le jour doit choisir son bateau. En fin de compte, le hérisson technique polyvalent a fait peau neuve. Une exceptionnelle surprise audiovisuelle qui rend le joker chinois aphone, et le japonais aussi. "Désormais, on se les arrache", m'expliqua-t-il.
- "A quoi pensez-vous?" me susurra Einstein.
Acceptez mon invitation. N'oubliez pas, les amis, on m'aime bien ici.
Un ingénieur au pouvoir abandonne une route à tiroirs, pour vivre une moderne odyssée de photos d'art. Elles sont belles à hurler.
D'ailleurs, j'en ai assez des bilans et des chiffres. Emmenez-moi au théâtre.

Diario Freddo Mardi 1er janvier 1985

The green book - Lou Schibronsky

Où l'on s'aperçoit avec un peu de surprise que l'on est déjà en 1985.
Comme le temps passe vite : cela fait dix ans déjà qu'un jeune garçon vietnamien regardait par le trou de la serrure les soldats communistes entrer dans sa ville, Saïgon.
Son père commençait à trembler pour sa vie et pour l'avenir de sa famille. Et à juste titre.
Il a terminé sa vie dans un camps de concentration. Il pleurait.

Vraiment, la guerre, on s'en passerait bien, non?
Pourquoi est-il toujours relativement scandaleux de dire qu'il vaut mieux faire l'amour que la guerre? Alors que la guerre est bien plus obscène que le sexe?

Fritz Zorn : "Seul est en mesure de croire qu'on puisse survivre au pire, celui qui y a lui-même survécu." ( Mars, p. 176 )