mercredi 16 janvier 2008

Diario Freddo - Mercredi 10 septembre 1985

Une lettre de Hannah à Ludwig Grüne

Depuis que je t'ai rencontré, j'ai retrouvé le goût d'écrire. La nécessité douloureuse et le plaisir d'écrire. Je passe les nuits que je ne te donne pas avec des feuilles et des crayons. C'est inoui ce que la chasteté de notre relation me donne de fantasmes que je transforme en matière, en énergie pour l'écriture. Le deuil de cet amour me donne mes plus belles pages.
Tu m'inspires. Alors sache que cela ne m'avance à rien d'être un papillon de plus que tu puisses épingler dans ta collection.
Ce n'est pas parce que ton sexe ne m'intéresse pas que ta personne ne m'intéresse pas. je t'aime! Ce que j'aime en toi, c'est qu'aucune personne ne pourrait te mettre en cage. Tu es libre. Tu m'échappes. Tu me débordes de partout.
Pardonnes-moi si cela te fait de la peine : faire l'amour avec toi n'aurait pour moi que très peu d'importance, alors qu'avec une femme, la sensualité est le centre de notre relation autour duquel toute l'affection se cristallise. Avec une femme, la sexualité n'a pas de limite : croquer une pomme, c'est faire l'amour, s'écrire, c'est se faire l'amour, un regard, un sourire est une caresse, peindre est un rituel amoureux. Quand je pose pour elle, je suis à elle.
Je crains que pour toi, Ludwig, l'acte sexuel ne soit d'une importance particulière. et tu as raison. Peut-être que c'est comme ça qu'on aime quand on est un homme.
Et je suis sûre que tu es un bon amant. Je veux seulement te dire que pour moi tout cela est très marginal. Ce n'est pas le sexe qui me plaît en toi. Même si quand tu dors à côté de moi, je ne peux pas m'empêcher l'une ou l'autre caresse. Mes plus chers souvenirs sont ceux de nos bavardages.
Et pourtant, tu as probablement raison. Ce serait une lâcheté de ne pas assumer le désir que l'on suscite et de ne pas partager son plaisir avec l'autre. Je sais combien ce que je te demande est pervers. Si je suis une allumeuse, alors je suis aussi une vestale.

Bien à toi,

Hannah

Diario Freddo - Lundi 9 septembre 1985

Guide du parfait petit onironaute.


Règle 1 : Ne jamais conduire un rêve jusqu'à sa fin.
Règle 2 : Les onironautes papa et maman sont tenus de passer le brevet de conteurs d'histoire auprès des onironautes bébés.
Règle 3 : Ne rien prendre au sérieux, mais ne se moquer de rien.
Règle 4 : Ne rien placer ni trop haut ni trop bas. Ni plus haut ni plus bas que soi.
Règle 5 : Il est dangereux de pratiquer la navigation onirique en solitaire. Seuls les onironautes exercés s'y hasarderont. Un onironaute seul risque de tomber en perte de vitesse.
Règle 6 : Se méfier des règles 1 à 6.

Diario Freddo - Dimanche 8 septembre1985

Manifeste des onironautes masqués.


Soudain, tout s'est mis en place comme les pièces d'un puzzle que l'on détruit, quand on se repasse le film à l'envers.
Toutes les bribes de texte et les ébauche de phrase que j'ai pu écrire, recevoir ou lire ont trouvé leur place. Et une image est apparue.
Puisque mes épaules ne sont pas assez larges pour supporter le poids d'une oeuvre littéraire de longue haleine, élaborée dans la solitude qui sied à un génie romantique, j'ai compris qu'il fallait impérieusement m'inscrire dans l'aire du Verseau, signe d'air et donc d'inspiration. Il fallait donc soutenir ce projet en commun. L'idée a germer d'une vaste conspiration d'onironautes masqués, libellée "Lou Schibronsky Verlag".

Est amené à y entrer tout ce qui touche de près ou de loin à la créativité : textes, poèmes, dessins, lettres, musique, images. il n'y aura pas de noms d'auteurs, mais un générique de fin comme dans les films. C'est une entreprise commerciale , publicitaire et onirique. un futur best-seller. Sponsorisé par une marque de choucroute, si nécessaire.

La caractéristique la plus créative est que tout écrit (au sens large de tout ce qui fait trace) est susceptible d'en faire partie. Même le présent manifeste.

Le livre contient son histoire, son rêve, sa préparation et son interprétation. les textes s'engendrent l'un l'autre dans une spirale infinie. Et peu importe le niveau de langage : méta-langage ou langage-objet, ils le sont tous tour à tour. Sans pour autant verser dans l'anarchie, ou l'absence de sens. le sens reste précis : c'est la sarabande infinie de la boucle, de la spirale qui ressurgit de son fond pour rejoindre son point de départ. Ce texte pourrait être de Ludwig Grüne.