dimanche 18 février 2007

Diario Freddo - Jeudi 21 février 1985

On confond souvent l'amour et l'angoisse.

J'ai essayé de me débarrasser de toute mon angoisse.
Maintenant, quoiqu'il fasse de ses jours, je ne me tracasse plus.
Il ne me reste plus pour lui que tendresse et compréhension.

Sa situation me semble assez intenable :
être en troisième candidature en médecine!
Comment réussir ses examens ?
Peut-être faut-il que nos examens se déroulent séparément,
pour que nous réussissions nos cours séparément.
Mais sans se séparer.


Mes sentiments pour lui ont changé.
Mon amour est plus conscient de lui-même et de ses limites.
Je sais qu'il y a toute une partie de moi qui ne trouve pas à se réaliser dans cette relation,
mais ça ne veut pas dire que s'en est la fin pour autant.

En dehors de notre relation vit autre chose : le philosophique, le littéraire...
Je peux en être capable en relation avec d'autres gens qui me motivent.
Tandis que toi, tu me pousses à me dépasser dans d'autres domaines.

Il reste une place pour toi, TvT.
Une belle place.
Heureusement.

Diario Freddo - Mercredi 20 février 1985

Soirée avec les philosophes :
des gens bien divertissants.
"The big chill" à notre façon.

Diario Freddo - Lundi 18 février 1985

Je me suis réveillée de l'angoisse et de la jalousie :
faire le vide autour de moi,
autour de lui,
ne nous rapprochera pas plus.
Inutile de faire le vide autour de soi, funeste même.

Il y a là deux individus distincts - intègres - dont chaque rencontre est une joie.
Non pas un seul individu qui subirait la plupart du temps une séparation absurde et douloureuse.
Pour qui chaque rencontre ne serait qu'une justice, la fin d'une mise à l'écart injustifiée.
Nous ne sommes pas un "nous" coupé, nous sommes deux "tu" en relation, en dialogue.


Lecture :
J'ai commencé "Cent ans de solitude" de Gabriel Garcia Marquez.

mercredi 14 février 2007

Diario Freddo - Vendredi 15 février 1985

Perles du dictionnaire :

la syzigie: Position de la lune ( et par extension d'une autre planète) en conjonction ou en opposition avec le Soleil (nouvelle lune et pleine lune).

Paresthésie: trouble de la sensibilité se traduisant par la perception de sensations anormales.
Hyperesthésie: sensibilité exagérée, pathologique.

La nouaison : transformation de l'ovaire de la fleur en fruit.


J'ai écrit un nouveau texte poétique en français incorrect : "Nouaisons populaires".

******

Nouaisons populaires

Il y avait cinq à six personnes qu'on leur avait montré le livre à Jean. L'un deux, un grand peu causant, s'en était accaparé. il se prenait pour un docteur ès littérature et il voulait le garder à lui tout seul pour comparer ensemble ceux des poèmes qui lui plairaient d'avantage. En définitif, on lui a dit: "Pour qui que tu te prends?".

Nous deux mon frère, on l'a envoyé au diable vert. C'est vrai quoi, il faut s'entraider mutuellement. surtout que jean il écrit excessivement bien, pareil qu'un écrivain. On lui a dit : "Si j'étais que toi, je ferais un livre. Surtout que du point de vue pécunier, ça pourrait être intéressant. Mais enfin, un éditeur, c'est quant même pas facile à se procurer, y parait."

Au docteur, il faut pas lui en vouloir. Il faut le pardonner parce qu'il a autre chose à penser. mais il croit qu'il sait le français mieux que quiconque, et il n'arrête pas de nous rabattre les oreilles avec ses idées de corrections. Cela m'insupporte.

Jean n'est pas sans ignorer le bon français, comme on lit sur le journal. Et du point de vue travail, il dit qu'il faut prendre ses poèmes tel que. Moi, je trouve même qu'il s'active de trop autour de sa plume, jusque tard dans la nuit. C'est pour cela qu'il jouit d'une mauvaise santé quoiqu'il est jeune. une fois il l'a échappée belle de tomber dans les pommes. Il n'a pas pris le temps de manger, il n'a pu s'empêcher que de continuer d'écrire parce qu'il dit toujours: "Je préfère écrire que le reste".

Selon mon avis, pour ne pas qu'il souffre à nouveau, rapport à sa santé, il doit solutionner la question soit en allant promener de temps à autre dans la rue passagère (mais au jour d'aujourd'hui, c'est un peu trop pollué), soit en partant en Espagne en vacances vu que ses parents ont tout de même une fortune conséquente. Même s'il leur dit souvent: "Je ne veux pas vivre à votre dépens!". Cela leur éviterait la peine de le voir aller de mal en pire. Je suis sûre qu'ils ne seront pas fâchés après lui, surtout que pour le moment, il n'a rien d'autre à s'occuper. C'est l'occasion à profiter d'aller voir du pays. et aussitôt son retour, il risque d'être mieux en forme pour son travail.

Entre les deux alternatives, je l'ai convaincu de ce qu'avec celle-ci, il a davantage de chances de s'en rappeler longtemps. Outre de cela, il ne s'est toujours pas avéré faux que les voyages inspirent les poètes. Il m'a observé que ce pays est infecté de bandits qui volent les voitures, qu'on pourrait avoir des avatars en routes et qu'il appréhende de partir. Aussi étrange que cela paraisse, il préfère rester ici que partir.

Je dois dire, venant de lui, cela m'a stupéfaite. peut-être que je m'y suis pal prise pour lui présenter la question. Quand même que ce serait vrai qu'il y a des voleurs, ça n'empêche pas les gens d'aller à la mer. Dans la vie, on risque toujours, même en sortant de chez soi, comme par exemple de se faire une entorse.

Comme il était dix heures sonnantes, je me suis en allée: je devais aller au coiffeur. mais je l'ai invité chez nous à manger. il viendra tantôt, ce midi, enfin, vers midi- midi et demie que je lui ai dit. Il est sympathique Jean. Il a dit qu'il s'était très amusé en notre compagnie.

Lou Schibronsky et le Dictionnaire Orthographique Larousse 1938.

Diario Freddo Jeudi 14 Février 1985

Hello my dear LO,

Je ne sais pas du tout quand tu entendras mes mots, avec tes foutues vacances que j'envie. je ne sais pas quand tu seras là.
J'ai tant de choses à te dire, hélas, nous ne nous voyons plus.
Comment veux-tu que je continue sans toi?

Je vis ces semaines en orbite de la planète Saturne.
J'ai craqué.
J'en avais marre de tourner autour du Soleil.
Je ne m'étais jamais sentie aussi humiliée.
Je ne comprenais pas pourquoi je le laissais continuer à me piétiner.
Comment avons-nous pu en arriver là?

J'ai donc opéré ma révolution copernicienne à l'envers.
Je lui ai proposé de se quitter...
et...
il n'a pas voulu...
il a dit que tout allait changer,
qu'il allait changer,
qu'il ne râlerait plus.
Maintenant, c'est lui qui vient me chercher à la sortie des cours.
Le soleil s'est remis à tourner autour de la terre.

Trop près l'un de l'autre,
il m'a fait subir tout ce qu'il peut se faire souffrir lui-même.
Nous avons repris les bonnes distances -
Pour un temps.
Attraction:
Ne pas dépasser les limites du choc.

Nouveau pacte
Jusqu'à la fin des premières sessions d'examen.
Un amour d'étudiants dure ce que durent les études d'université.

Une Saint Valentin sans artifices commerciaux.

Cinéma: "La femme publique"
enter nous: des larmes de surprise et d'émotion.

Mais qu'est-ce qui fait courir Lou Schibronsky?


J'ai frôlé le désespoir,
je me sens mieux.
Cette syzigie aurait pu me coûter la vie!

Diario Freddo - Mercredi 13 février 1985

Mon texte poétique sur la naissance du point de vue du nouveau né,
intitulé: "Quelle est la différence entre une cigogne?" sera publié.

Elle m'a vu rougir, intimidée !


Après dix ans de mariage, mon oncle et ma tante préparent la venue d'un bébé.
Ils n'y croyaient presque plus. C'est un petit miracle de la nature.

J'en parlais avec Sophie, une autre étudiante en philosophie.
Lou: "Quand voudrais-tu un enfant?"
- Sophie : "Idéalement, quand je pourrais lui montrer qu'il y a moyen d'être heureux, ici."
Lou: "Mais c'est trop demander! quand il y aura moyen de vivre!"


***

Quelle est la différence entre une cigogne?


Depuis combien de temps suis-je là? Je ne m'en souviens pas. je suis venu me loger ici et j'y suis si bien que je ne voudrais plus m'en aller. Il fait noir. mais ça ne me dérange pas: il a toujours fait noir. Ce qui me plaît, c'est qu'il fait bien chaud. J'entends souvent cette musique de piano qui plaît aux battements de mon coeur. Ah! je voudrais ne jamais l'oublier. Et je me plais à croire que c'est pour moi que l'on joue.

Je ne me sens pas seul, ici. Il y a cette voix, ces voix. Elles parlent une langue que je ne comprends pas, mais les intonations sont tendres et joyeuses. Parfois elles chantent. Même si je ne peux pas répondre, je ne me sens pas tout à fait étranger à cela, à tous ce qui se passe dehors. Est-ce qu'elles se rendent compte que j'existe? Je l'espère.

On pourrait dire que je suis paresseux, mais c'est faux. Simplement, je n'ai presque rien à faire. Je passe mon temps dans mon bain, à rêvasser et à me prélasser. Je laisse entrer l'eau dans mon nez, mes oreilles, ma bouche. une eau douce, sucrée. C'est un tel plaisir! Et je m'étire, me tourne et me retourne... Le temps n'a pas de limites, ou il s'est arrêté, ou il n'a pas d'importance chez moi.

Parfois, je n'ai même pas besoin de me remuer, je me sens balancer de gauche à droite et de haut en bas. Je me laisse mener en bateau. C'est cela, je dois être quelque part sur la mer, emporté au gré des vagues. J'ai vraiment cessé de désirer être ailleurs.

Les bruits et les voix ont recommencé. Cette fois, j'entends distinctement deux voix: celle qui m'est familière et que je préfère et une autre, chaude et grave. Les voix se mêlent, s'entrelacent en en dialogue ponctué de quelques rires brefs: elles se répondent amoureusement. Cela va durer des heures, puis je vais les entendre respirer plus fort et gémir dans un langage que je comprends mieux. Je crois que je suis tombé amoureux de ces voix, de tous les bruits et de cette musique de piano. C'est aussi cela qui me retient ici, qui me séduit et m'a fait oublier tout ce que j'ai connu avant. Cela doit sans doute s'appeler le bonheur.

Je me suis couché sur le côté, j'ai ramené mes genoux sur mon coeur et mes bras sur ma poitrine, ma tête un peu inclinée. Ce calme est propice à ma méditation. Pourtant, aujourd'hui, j'ai un pressentiment bizarre. Je ne me sens pas comme d'habitude. Aurais-je encore grossi? Tiens! je viens d'entendre un bruit qui m'est inconnu: une explosion, un éclat. La voix s'exclame, articule sans discontinuer des propos impatients. Pourvu qu'il ne leur arrive rien à mes voix chéries et à ma musique de piano! Oh! mais qu'est-ce qui se passe chez moi? Mon bain me fuit, il s'écoule, il s'échappe....

Enfin, la voix en a fini de s'exclamer, elle me parle calmement. On dirait qu'elle prépare une fête, une surprise. Moi, je me sens inquiet, oppressé, je ne comprends pas. Il se passe bien quelque chose? Ce séjour si agréable devient des plus détestables. J'ai l'impression qu'un deuxième moi s'applique à la paroi de mon corps pour m'étouffer, me faire éclater. Je me sens de plus en plus indésirable. Il faut donc que je m'en aille. Je ne choisis pas.
Je me sens irrémédiablement poussé. Ma tête s'engage dans un couloir mollement tapissé. Comme je me sens à l'étroit! Il ne fait pas bon rester ici; il faut continuer.

Une force rythmée continue de me pousser hors de ma demeure, loin du berceau de mon bonheur passé. Hier encore! J'entends des voix inconnues qui semblent m'encourager, tandis que je me dirige lentement vers un espace rosé...

Cette lumière, ce froid! Où suis-je tombé? Je crie. Est-ce donc ma voix que je viens d'entendre? Je ne la savais pas aussi laide! Je sens l'air caresser ma peau, pénétrer par mes narines et en ressortir plus chaud. J'ai respiré pour la première fois. Une voix joyeuse a dit: "Madame, c'est une fille." Ensuite, on m'a déposé entre deux seins très doux et j'ai reconnu la voix que je préfère qui pleurait de joie: "Ma petite puce, ma chérie, mon bébé..."
Ah! C'était donc toi....

samedi 10 février 2007

Diario Freddo - Lundi 11 février 1985.

TvT
Je veux te quitter, mais je n'en ai pas le courage.
Je suis lâche.
J'ai peur de te perdre à jamais parce que je t'adore.
Je t'aime à en devenir folle.
Mais je ne peux plus me respecter moi-même, si je te laisse ainsi me fouler aux pieds.
Allègrement.
Et te rire de moi.
Fais une fois pour moi ce que je fais pour toi.
Alors je recommencerai peut-être à te croire.
Je me sens mourir.
Mais ne serait-ce que par respect pour moi-même.
Par principe.
Il me faut trouver un nouvel amant.
Si tu pouvais être celui-là.

Diario Freddo - Samedi 9 février 1985

Avec TvT, nous sommes allés voir le film "The Killing Fields", sur la guerre du Cambodge.
Il y a tout ce que je ne peux pas raconter : les histoires de familles qu'il me confie.

Diario Freddo - Jeudi 7 février 1985

Rencontré la mère de LO.
On a parlé d'elle et de son son fils et du lien entre les deux.
Pourquoi ce rejet des filles, se demande-t-elle.
Possibilité que ça s'arrange?

Mais que fait LO?
Où est-il à Bruxelles?
Son tournage est demain.
Je n'arrive pas à le joindre au téléphone.

Pour finir on a parlé de mes études aussi.
Elle me pousse à apprendre l'allemand. Si important pour la philosophie.
Hésitations. Pense au cercle de Vienne.


Je n'arrive pas à lire. je pense à eux. Tous mes "ils".
A. ne rentre pas , où est-il?
TvT s'acharne à étudier et ne veux pas me voir avant samedi.
Si je pouvais seulement me concentrer sur une lecture.

La mère de LO ne fait plus que tricoter. Elle ne pense plus.
Seules ses tripes de mère réagissent.

Moi je suis en forme pour parler, sortir, courir.
Me sens bien quand je suis utile à autrui.
Penser moins à soi , relativer.

En attendant mon travail doit aussi se faire : lire, lire, lire.

Diario Freddo - Mardi 5 février 1985

TvT crache son venin, ensuite, il s'excuse.
C'est la pleine lune.

Il s'offense quand je me refuse au contre don : je me présente alors en ennemie, dit-il.
Je dois être en train de vivre un potlatch.
Ici une femme qui n'offre pas de cadeau montre ainsi sa soumission, sa dépendance par rapport à son homme. Une femme qui offre trop est marquée : elle se paye un amant.

Voilà une alternative toute différente. Contre don = ami, refus du contre don = ennemi, radin, profiteur.
Il me raconte une histoire où c'est lui à qui on reproche de se laisser offrir le café trop souvent....

à méditer.

jeudi 1 février 2007

Diario Freddo - Vendredi 1er février 1985

J'ai reçu deux lettres émouvantes:

L'une de LO et l'autre de sa mère.

Elle m'informe que LO a tenté de se suicider cette semaine. Et me demande si je sais pourquoi.
Elle voudrait me rencontrer pour parler de LO et essayer d'y voir un peu plus clair dans ce qui se passe.

La lettre de LO est semblables aux lettres qu'il m'écrit d'habitude : pleine de désespoir amoureux, d'une passion pour un saxophoniste, Guy, qui n'est pas réciproquée. Quand il lui a avoué ses sentiments, Guy lui a répondu tristement qu'il n'avait que son amitié à lui offrir en échange.

LO parle aussi des dilemmes d'un jeune homme gay, pourtant poursuivit par une jeune femme, Lydia. Ce qu'ils ont en commun, c'est que leur première expérience de la sexualité fut celle d'un viol, par un adulte. A part cela, ils se considèrent comme deux "vierges".

Finalement, LO parle de la trahison ultime : il vient d'apprendre que Guy et Lydia sortent ensemble. -"Comment ont-ils pu me faire cela?"

Seul dans la capitale, il a peur, si peur, et il ne sait plus à qui ou à quoi se vouer.
Il écrit : "J'ai si peur" avec un bout de rouge à lèvre de Lydia sur le miroir de la salle de bain.
Il prend un flocon entier de pilules, des somnifères. Il espère ainsi ne plus rien ressentir. Mettre fin à la douleur de sa jeune âme.
Mais, bien sûr, peu de temps après, il vomit ses entrailles....