mercredi 14 février 2007

Diario Freddo - Mercredi 13 février 1985

Mon texte poétique sur la naissance du point de vue du nouveau né,
intitulé: "Quelle est la différence entre une cigogne?" sera publié.

Elle m'a vu rougir, intimidée !


Après dix ans de mariage, mon oncle et ma tante préparent la venue d'un bébé.
Ils n'y croyaient presque plus. C'est un petit miracle de la nature.

J'en parlais avec Sophie, une autre étudiante en philosophie.
Lou: "Quand voudrais-tu un enfant?"
- Sophie : "Idéalement, quand je pourrais lui montrer qu'il y a moyen d'être heureux, ici."
Lou: "Mais c'est trop demander! quand il y aura moyen de vivre!"


***

Quelle est la différence entre une cigogne?


Depuis combien de temps suis-je là? Je ne m'en souviens pas. je suis venu me loger ici et j'y suis si bien que je ne voudrais plus m'en aller. Il fait noir. mais ça ne me dérange pas: il a toujours fait noir. Ce qui me plaît, c'est qu'il fait bien chaud. J'entends souvent cette musique de piano qui plaît aux battements de mon coeur. Ah! je voudrais ne jamais l'oublier. Et je me plais à croire que c'est pour moi que l'on joue.

Je ne me sens pas seul, ici. Il y a cette voix, ces voix. Elles parlent une langue que je ne comprends pas, mais les intonations sont tendres et joyeuses. Parfois elles chantent. Même si je ne peux pas répondre, je ne me sens pas tout à fait étranger à cela, à tous ce qui se passe dehors. Est-ce qu'elles se rendent compte que j'existe? Je l'espère.

On pourrait dire que je suis paresseux, mais c'est faux. Simplement, je n'ai presque rien à faire. Je passe mon temps dans mon bain, à rêvasser et à me prélasser. Je laisse entrer l'eau dans mon nez, mes oreilles, ma bouche. une eau douce, sucrée. C'est un tel plaisir! Et je m'étire, me tourne et me retourne... Le temps n'a pas de limites, ou il s'est arrêté, ou il n'a pas d'importance chez moi.

Parfois, je n'ai même pas besoin de me remuer, je me sens balancer de gauche à droite et de haut en bas. Je me laisse mener en bateau. C'est cela, je dois être quelque part sur la mer, emporté au gré des vagues. J'ai vraiment cessé de désirer être ailleurs.

Les bruits et les voix ont recommencé. Cette fois, j'entends distinctement deux voix: celle qui m'est familière et que je préfère et une autre, chaude et grave. Les voix se mêlent, s'entrelacent en en dialogue ponctué de quelques rires brefs: elles se répondent amoureusement. Cela va durer des heures, puis je vais les entendre respirer plus fort et gémir dans un langage que je comprends mieux. Je crois que je suis tombé amoureux de ces voix, de tous les bruits et de cette musique de piano. C'est aussi cela qui me retient ici, qui me séduit et m'a fait oublier tout ce que j'ai connu avant. Cela doit sans doute s'appeler le bonheur.

Je me suis couché sur le côté, j'ai ramené mes genoux sur mon coeur et mes bras sur ma poitrine, ma tête un peu inclinée. Ce calme est propice à ma méditation. Pourtant, aujourd'hui, j'ai un pressentiment bizarre. Je ne me sens pas comme d'habitude. Aurais-je encore grossi? Tiens! je viens d'entendre un bruit qui m'est inconnu: une explosion, un éclat. La voix s'exclame, articule sans discontinuer des propos impatients. Pourvu qu'il ne leur arrive rien à mes voix chéries et à ma musique de piano! Oh! mais qu'est-ce qui se passe chez moi? Mon bain me fuit, il s'écoule, il s'échappe....

Enfin, la voix en a fini de s'exclamer, elle me parle calmement. On dirait qu'elle prépare une fête, une surprise. Moi, je me sens inquiet, oppressé, je ne comprends pas. Il se passe bien quelque chose? Ce séjour si agréable devient des plus détestables. J'ai l'impression qu'un deuxième moi s'applique à la paroi de mon corps pour m'étouffer, me faire éclater. Je me sens de plus en plus indésirable. Il faut donc que je m'en aille. Je ne choisis pas.
Je me sens irrémédiablement poussé. Ma tête s'engage dans un couloir mollement tapissé. Comme je me sens à l'étroit! Il ne fait pas bon rester ici; il faut continuer.

Une force rythmée continue de me pousser hors de ma demeure, loin du berceau de mon bonheur passé. Hier encore! J'entends des voix inconnues qui semblent m'encourager, tandis que je me dirige lentement vers un espace rosé...

Cette lumière, ce froid! Où suis-je tombé? Je crie. Est-ce donc ma voix que je viens d'entendre? Je ne la savais pas aussi laide! Je sens l'air caresser ma peau, pénétrer par mes narines et en ressortir plus chaud. J'ai respiré pour la première fois. Une voix joyeuse a dit: "Madame, c'est une fille." Ensuite, on m'a déposé entre deux seins très doux et j'ai reconnu la voix que je préfère qui pleurait de joie: "Ma petite puce, ma chérie, mon bébé..."
Ah! C'était donc toi....

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