jeudi 27 décembre 2007

Diario Freddo - Mardi 3 septembre 1985

Journal de Ludwig Grüne, par Lou Schibronsky
J'ai passé pour la première fois toute une nuit avec Hannah. Quelle douleur! Je me suis endormi facilement - si je peux dire endormi - je me suis saoulé au vin blanc. L'alcool me rend moins sensible. Le réveil au petit matin fut plus dur!

Je ne peux écarter de mon esprit le désir qui m'assaille. Avec elle désir et inhibition du désir : un impératif de respect. Mais j'ai horreur de ces lits où il ne se passe rien. Elle le sait. elle n'aime que les câlins romantiques et l'amour purement cérébral. Mon corps se met à trembler. Je cache mon visage sous ses oreillers de satin bleu pour qu'elle ne voit pas mes pensées lascives. Je me demande si je vais craquer. Lui imposer mon désir. La prendre de force. Et je déborde de tristesse à cause de ces limites que nous ne pourrons pas franchir. Je ne trouve pas de mots. Si j'étais capable de mieux me contrôler, nous pourrions même être plus intimes, mais il me faut tout ou rien. Sa tête sur mon épaule ou la chaleur de son corps contre mon dos. Excuse-moi, mais c'est déjà trop.

Hannah se lève et s'enfuit dans la salle de bain. Elle dis qu'elle n'a jamais si bien dormi.
Dormir! Je n'ai pas à subir la honte d'un refus, le genre de chose qui me met la mort dans l'âme, puisque je ne te demandes rien. Mais ce refus s'est posé depuis toujours, dès le départ, entre nous. Il me reste quand même des doutes. Est-ce que vraiment nous ne serons jamais amants? La frustration vaut-elle mieux qu'une mutuelle déception?

Comprends moi, Hannah, je suis un homme qui aime les femmes et quels que soient tes goûts et tes choix en matière de sexualité, tu restes une femme, pour moi. Quand j'aime une femme, je la désire comme un homme désire une femme. Je voudrais te faire tout ce qu'il est physiquement possible de faire. Et que tu me donnes en échange toutes les caresses que tu réserves aux amantes dont tu rêves.

Oui, moi je rêve encore de cette nuit de noce mythique : blanche jusqu'à la transparence.
Notre nuit, cette nuit n'a pas été blanche et tu n'oses croiser mon regard lourd de désir et triste d'une chasteté tout ce qu'il y a de plus forcée. Une interdiction stricte que je m'impose dans la douleur. Puisque tu sais bien que je ne peux pas me permettre de mi-chemin.
Je n'aurais jamais du rester dormir chez toi.....

La solitude pourtant, l'isolement sont encore plus insupportables. c'est pourquoi je ne peux que souffrir la douleur de dormir dans tes draps, dans les bras d'un être tel que toi.

"Le besoin est humain", consens-tu à me dire. Je ne peux même pas plaider le besoin.
Une petite amie, j'en ai déjà une. Je ne peux plaider que ma nature ardente, totale, insatiable.

De part le respect que je te porte, ce n'est qu'avec toi que je peux comprendre ce que veulent dire les mots culpabilité et pêché, en matière de sexe. Et juste pour une seule fois, la première et la dernière fois, me reprocher d'être né homme et de ne pouvoir même pas, par quel subterfuge, par quel filtre magique, te donner l'illusion que je suis une femme. Juste pour un soir.

Rêverai-je encore de cette nuit mythique? Quelque part, je dois te détester. Être en colère contre toi. S'il pouvait au moins y avoir entre nous la jouissance de la violence. Il doit y avoir un roman pour les sentiments qui nous lient.

Je ne peux pas vivre sans toi. Console-moi d'être avec toi, sans pourvoir te faire mienne. Blessures dans la recherche d'un mit-sein taillé à notre démesure.


Ludwig Grüne

Aucun commentaire: